La période estivale est probablement la plus spéciale de l’année lorsqu’il s’agit de football. Si elle ne brille pas par la qualité du jeu prodigué, elle est généralement synonyme d’émotions fortes. Portons attention à l’heure de la mer.
Le football est une drogue. Une drogue douce, certes, mais une drogue tout de même. On en mesure la réalité par un diagnostic adéquat : tout a commencé par le coup d’une fois. On s’approche d’un ballon, on essaye, on y prend goût et on en redemande. La demande se fait de plus en plus pressante et il faut alors céder aux affres de la dose hebdomadaire.
L’été venu, on croit finalement être tirés d’affaire. Nos proches, eux aussi, en sont certains : cette fois, enfin, nous sommes cleans ! Finies les rechutes, fini le manque, au moins pour un temps.
Pourtant, et c’est bien là le malheur de ceux qui nous aiment sans aimer le football : l’envie est toujours là, la drogue aussi. Elle change simplement d’apparence, d’odeur, de texture. Elle demeure pourtant la même. Encore et toujours ce mélange d’espoir et d’excitation entremêlé de doutes et d’hypoglycémie.
Il y a pourtant bien les Coupes du Monde. En leur absence, elles paraissent être jouées une fois tous les mille ans. En leur présence, elles paraissent se dérouler tous les trois jours. Ce n’est cependant pas la même drogue qu’à l’accoutumée, tant tous deviennent vendeurs et consommateurs. Quoi de plus horrible pour celui qui croit détenir la perle rare que d’observer un vulgaire néophyte s’en emparer?
Finissons-en avec la métaphore illégale et revenons-en à cette période spéciale qu’est le football d’été. Généralement, il est divisé en deux parties : celle du mercato et celle de la préparation. Toutes deux en reviennent néanmoins à la même finalité : permettre le bon accomplissement d’une année. Ne dit-on pas du devenir d’une saison qu’il se joue au cours la période estivale ?
Le recrutement, ou la période ambivalente par excellence
En termes de recrutement, il convient tout d’abord de rappeler que si l’été est annonciateur de nouvelle année, il est aussi (surtout ?) synonyme de fin de saison. C’est la période de la traditionnelle valse d’entraîneurs et de staffs techniques. À l’inverse de la fourmi, l’entraîneur qui chantait paisiblement au chaud l’hiver durant doit souvent danser dehors une fois l’été venu !
Paradoxalement, l’été cultive à la fois l’espoir en la réussite d’une nouvelle équipe technique et l’angoisse de la fin d’une ancienne. À Marseille, à Lyon, on espère retrouver du plaisir au stade et des résultats à la hauteur des ambitions. À Saint-Étienne, on croise les doigts pour que Ghislain Printant se montre à la hauteur de son illustre prédécesseur. À Monaco, on prie pour que Jardim tire le meilleur des 567 joueurs sous contrat de son effectif. À Toulouse, on a peur et on décrie le manque d’ambition.
Car l’été, c’est aussi le sempiternel pillage des mêmes petits clubs, secondes divisions et autres championnats de second rang. Entraîneurs, directeurs sportifs, joueurs : tous y passent. Le recrutement est ainsi parfois synonyme de renaissance, parfois de petite mort. Le Mans en est mort, Le Havre en est mort, Nice en est revenu grandi, Paris (évidemment) aussi.
Évidemment, juin-août seraient terriblement vides sans le fameux tube de l’été, équivalent footballistique de la romance estivale. Cette année, on y trouve le bon Neymar mais aussi Dybala, Pogba ou encore Benedetto (quelque peu moins prestigieux, il est vrai). La presse s’en donne à coeur joie, les internautes aussi.
Pour autant, et quelque soit le petit plaisir (qu’on l’admette ou non, la période des transferts n’est pas sans son lot d’excitation et de frissons) qu’on en tire, le mercato ne remplace, évidemment et heureusement, pas les joies du rectangle vert.
La préparation, ou le sort d’une saison jouée en son amont
La détermination d’une saison se joue grandement sur la préparation qui la précède. La tendance des grands clubs à atteindre leur pic de performances à partir du mois de février n’est généralement pas une coïncidence. Les préparateurs physiques, mis sur le devant de la scène lors des tournées d’été, doivent ainsi assurer à leurs “patients” à la fois des résultats rapides mais aussi la préservation de leur organisme.
Les exemples qui abondent dans un sens ou dans l’autre sont légion. Celui de Fabrizio Ravanelli et sa préparation digne des forces armées à l’AC Ajaccio est frappant. Dès le mois de juillet, il était possible de savoir que sa formation était condamnée, tant les organismes avaient souffert du régime créatine – musculation – footing.
À l’inverse, l’Olympique Lyonnais est connu pour performer ci-tôt le plus dur de l’hiver passé. C’est que le club est un habitué des compétitions européennes et a ainsi pu rôder au mieux les différents préparateurs qui se sont succédés au club. Ainsi, au delà même de la qualité intrinsèque du Onze présenté, c’est quasi systématiquement avec un avantage physique que l’OL affronte ses adversaires.
Un autre élément est ainsi notable : celui de la présence de compétition européenne ou non. Dans le cas de Strasbourg cette saison, la préparation est complexe puisqu’il s’agissait d’avoir des joueurs prêts au combat dès le mois de juillet, tour préliminaire d’Europa League oblige. Pour autant, il convient d’éviter que les joueurs ne soient cramés au mois de décembre, et c’est alors que le jeu de la rotation de l’effectif trouve son sens.
Dans le cas de l’Olympique de Marseille, l’enjeu est au contraire d’avoir des joueurs prêts à maintenir un niveau de performance constant tout au long de la saison. L’absence de compétition européenne et le plus faible nombre de joueurs sous contrat peuvent ainsi se révéler être un vrai atout lorsque l’enchaînement des joutes affaiblira les concurrents.
Été vicieux mais été précieux
Définitivement, l’été est la saison de tous les sentiments. Si écrasant de chaleur et d’incertitudes soit-il, il est aussi porteur des espoirs les plus fous, d’abord tus et enfin criés.
Du côté de la France, le LOSC a su profiter de l’anonymat de son été 2018 pour passer de la lutte pour le maintien à la Ligue des Champions. L’Olympique de Marseille, aujourd’hui, rêve de faire un retour fracassant sur le podium et l’Olympique Lyonnais de combattre pour le titre. Paris, à la faveur d’un mercato axé sur le combat et les valeurs de courage, veut s’imposer en Europe, enfin.
L’Europe en général, quant à elle, est diverse dans ses enjeux: Liverpool joue la carte de la continuité pour récupérer un trône attendu depuis 1990 tandis que Manchester City continue à empiler les renforts à grand coût.
Le Real Madrid, humilié par sa saison dernière, compte sur Hazard, Mendy, Jovic et leur coach Zidane pour rebondir tandis que le Barça s’armera de Griezmann (pour l’instant) et l’Atlético de Joao Felix.
La Juve, elle, reposera sur le bon Sarri pour décrocher le Saint Graal européen quand le Milan, l’Inter et le Napoli tenteront de récupérer la couronne.
À Dortmund, Favre, déjà auteur d’un sacré recrutement, va tout faire pour remettre les siens au sommet du football allemand que le Bayern et ses Français Pavard et Hernandez tenteront de conserver.
Au sommaire de l’été, donc, espoirs, craintes, stress et frissons. Si décriée soit-elle, la période estivale renferme et catalyse en son sein les meilleurs ingrédients du football. Saison de l’éphémère, puisses-tu enfin durer!
Crédits photos : Pascal GUYOT / AFP