FC Valence: Dani Parejo, héros contre cœur

Beaucoup de bas avant de connaître le haut, une explosion aux yeux de l’Europe sur le tard et l’histoire d’un coup de foudre sans précédent. Un milieu de terrain comme on en voit presque plus, avec le numéro 10 sur le dos. Pas le plus médiatisé, mais avec un brassard sur le bras qui a beaucoup à dire.

Entre tant de beautés que partout on peut voir,
Je comprends bien, amis, que le désir balance,
Mais on voit scintiller en Dani de Valence
Le charme inattendu d’un bijou blanc et noir.

Le berceau Madrilène

Comme beaucoup de joueurs de Liga atteignant quasiment la trentaine et évoluant dans des clubs hors des très hautes sphères du championnat, c’est au Real Madrid que Parejo fait ses classes, des u15 à la Castilla. Pour de ces mêmes joueurs, se faire une place dans l’équipe que veut dessiner Florentino Perez est extrêmement délicat, à l’aube de l’ère des Galactiques II. En l’occurrence, dans un milieu du terrain où se bousculent les Sneijder, Van Der Vaart, Guti, Lassana Diarra ou Xabi Alonso aux alentours de l’année 2010, pour ne citer qu’eux.

Un prêt, dix buts avec les Queens Park Rangers en trente-trois rencontres et cinq petites apparitions avec les Merengues plus tard, il est temps de quitter le nid et se lancer pour de bon dans le bain de la Liga. Pas besoin de s’envoler bien loin pour Dani qui se pose dans la banlieue madrilène, du côté de Getafe en 2009. Milieu complet ayant pour principale qualité de dicter le jeu de son équipe, le natif de Coslada se fait sa place dans l’élite. Seize, puis vingt-huit titularisations en championnat lors des deux saisons qu’il dispute avec les Azulones et un cumul buts-passes décisives atteignant la barre des dix à chaque fois.

Une montée en grade progressive malgré l’instabilité de l’équipe (6e puis 16e) qui attire l’oeil du FC Valence, qui le signe en 2011 contre un chèque de 6M€. Le dorénavant numéro 21 des Murciélagos ne le sait pas encore, ou alors le cache bien. Pour ses 22 ans, il vient de trouver l’amour de sa vie, bien qu’il soit loin d’être réciproque.

Valencian transi

Arrivé dans la peau d’un remplaçant des Banega et Canales, avec douze titularisations principalement attribuées aux blessures des deux titulaires, il peine à se faire remarquer. Du moins, à se faire remarquer de façon positive. Visiblement agacée des critiques et du manque de crédit qui lui est attribué, c’est sa sœur qui se fend d’un post facebook plutôt malvenu souhaitant la défaite des blanquinegros dans un derby à venir contre Levante. Fait suffisant pour faire déborder un vase bien vite rempli, qui éclate quelques semaines après lorsque le joueur est contrôlé positif à un contrôle d’alcoolémie après une énième sortie nocturne. Dani s’empresse de présenter ses plus plates excuses au club, évoquant des problèmes personnels et souhaitant absolument se racheter. Valence lui laisse finalement une autre chance plutôt que de le revendre, bien que l’idée fut tentante. Côté aficionados en revanche, la porte se ferme à triple tour.

L’ex-madrilène devient le mouton noir du club, le bouc émissaire, le vilain petit canard. Dans une équipe qui perd peu à peu en grade dans la hiérarchie espagnole, prenant chaque année plus de temps de jeu jusqu’à s’installer comme titulaire peu discutable mais avec une feuille de stats bien maigre, il est souvent pointé du doigt comme coupable des échecs valencians. Etrangement, Dani s’accroche, parle peu, mais reste auprès de ce club qui connaît désormais plus de crises que de succès.

En 2014, Nuno Espírito Santo (ou plutôt son adjoint Ian Cathro) le nomme capitaine du FC Valence. Dire que cette décision a été contestée dans les travées de Mestalla est un euphémisme, mais cet acte lourd de sens trouve un écho énorme chez le joueur, se sentant le devoir de rendre la confiance qui lui est accordée. Trente-trois matchs de Liga, onze buts, cinq passes décisives, près de 85 % de passes réussies et quasiment une quinzaine de cartons jaunes, témoins de son investissement sur le terrain. Pour autant, son statut de capitaine reste un point de tension permanent avec l’entourage du club, voire un prétexte supplémentaire pour lui faire endosser la responsabilité du moindre échec. Toujours renié après ses déboires des premières saisons, désormais accusé de ne pas être un leader, de ne pas avoir l’esprit conquérant, de ne pas assez prendre la parole notamment auprès des journalistes qui ne le voient que très rarement se présenter à leur micro.

Les aficionados se retrouvent comblés lorsque Gary Neville vient lui retirer le brassard fin 2015. Peut-être la seule décision à relever du mandat caricatural d’à peine quatre mois de l’Anglais, terminé en mars 2016. Les coachs défilent, les propriétaires ont changé eux aussi, la direction ballottée dans le vent, Valence navigue en pleine tempête au milieu du tableau, à nouveau. Mestalla rumine, voudrait voir ses Murciélagos redorer leur blason, le brassard au bras de Rodrigo Moreno, désespère aussi. Au milieu de tout ça, au milieu du terrain, Parejo est toujours là. Inamovible, indéboulonnable, silencieux. Qui s’accroche toujours quand tout le pousserait loin de l’est de l’Espagne. D’un coup, le vent tourna, enfin. Une révolution avec un nom : Marcelino García Toral.

Le technicien espagnol débarque à l’été 2017 en provenance du voisin Villarreal. Valence a terminé l’exercice précédent en échouant à une triste 12e place. L’Europe est loin, le chantier immense. Marcelino instaure alors un 4-4-2 d’une efficacité redoutable, avec Parejo dans le rôle du cerveau, du coeur et d’un des poumons à la fois aux côtés du puissant Geoffrey Kondogbia. Une place centrale symbolisée par le retour du brassard sur le biceps gauche de celui qui a récupéré le n°10 de Mario Kempes depuis quelques temps. Ce maillot et ce brassard portés par lui, a minima quelque chose qui dérange.

Le marathon vers la reconnaissance de la belle Valence continue. Trente-quatre matchs, 7 buts, 7 passes décisives, la barre des 85 % de passes réussies franchies, une distance parcourue par match supérieure à n’importe lequel de ses coéquipiers et toujours au-delà des 11 kilomètres. Meneur de jeu, récupérateur, tireur de coups de pieds arrêtés redoutable… la palette déjà très large se fait enfin remarquer à un niveau qui ramène peu à peu une belle équipe blanche-et-noire dans le Top 4.

Un bel exercice que l’on a vite pensé vendangé à l’entame de la saison 2018-2019, tant les résultats du club ont été décevants pendant des mois. Incapables de réellement se lancer en championnat, reversés en Europa League derrière un Manchester United très moyen, les Murciélagos déçoivent pour la saison de leur centenaire. Vous connaissez désormais la musique, une année très convaincante n’a pas suffi à calmer les ardeurs de tous les aficionados, bien que la possibilité de voir tomber une convocation en sélection gagne en crédibilité au fil des saisons, poussant à certaines révisions de jugement.

Valence prouve finalement qu’il ne s’agissait là que d’un retard à l’allumage. Relancés en championnat dans une folle course aux places pour la Ligue des Champions, partis d’une 15e place après 15 journées. Les hommes de Marcelino vont faire une peur bleue au Barça en allant faire un match nul 2-2 au Camp Nou avec une prestation de niveau international de Parejo, buteur sur penalty. Un peu plus tard, le Real Madrid chute 2-1 à Mestalla, là encore Dani fait la loi. En parallèle, l’aventure Europa League se poursuit jusqu’à un honorable quart de finale. En Coupe du Roi, Gijon, Getafe sont écartés, amenant les blanquinegros en demi-finales face au Betis.

Jamais Parejo n’a été aussi fort, autant été le capitaine que chacun voulait qu’il soit. La force tranquille, le patron sur et en dehors du terrain, porte-parole des joueurs et étendard du Valencianismo. Ses chiffres déjà solides gonflent encore, plus de 90% de passes réussies sur la deuxième partie de saison et une influence toujours plus impressionante. C’est logiquement que la Roja fait finalement appel à lui pour la première fois en mars 2019, à 30 ans. Julen Lopetegui lui offre ses premières minutes à l’occasion de la rouste infligée par l’Espagne à l’Argentine 6-1. Sur un nuage, le désormais international espagnol éteint les critiques et amène sa belle Valence à la 4e place de Liga. Surtout, celle-ci écarte le Betis de la Coupe du Roi. Une finale pour le centenaire. Face au FC Barcelone.

Une finale sur laquelle Marcelino a lancé un véritable rouleau compresseur. Valence étouffe le Barça et plante deux pions en une mi-temps au champion d’Espagne. Parejo joue sa partition, tout en s’évertuant à limiter l’influence de Lionel Messi. L’Argentin finira par marquer sur un corner en fin de match, mais les catalans ne reviendront pas. Valence remporte la Coupe du Roi pour sa 100e année d’existence, après onze ans de disette.

Une consécration non seulement pour l’équipe mais surtout pour Parejo, passé par toutes les galères qu’a connu le club sur la décennie écoulée, passé par des années d’une longueur infinie à être renié par ceux qu’il souhaitait le plus représenter. C’est au bord des larmes qu’il monte à la tribune récupérer le trophée des mains du Roi Felipe VI. Numéro 10 sur le dos, brassard au bras, écusson doré de Valence sur le cœur, nom dans la légende du club. Les larmes, elles finiront par couler le lendemain, sur une estrade au beau milieu du Mestalla plein à craquer, entouré de ses coéquipiers devant cette coupe si importante, ciment de la relation désormais immortelle entre lui et les Valencians. Micro à la main, les mots ne viennent pas. Pas pour Dani, qui voit alors les aficionados s’incliner et se trouver plus inspirés que lui avec un simple mot: Parejo, Parejo, Parejo, Parejo, Parejo… Oh il trouvera les mots pour leur rendre.

Les liens du mariage

Après avoir touché le ciel, les Murciélagos sont retombés plus bas que Terre en ce début de saison. La guerre de pouvoir entre dirigeants espagnols et singapouriens a rapidement fait une victime : Marcelino. Le conflit s’est alors étendu à tout le club. Propriétaires singapouriens contre staff espagnol, joueurs et aficionados. Evidemment, Parejo a été le porte-parole du vestiaire, et par la force des choses de la volonté des supporters. Un sabotage signé Peter Lim qui installe de force Albert Celades aux commandes de son équipe, et condamnant le VCF à un début de saison catastrophique. Mais puisqu’il faut bien remonter la pente, les cadres prennent les choses en main, appelant les supporters à encourager l’équipe, y compris le pauvre Celades.

A la mi-saison, Valence est en vie en championnat, faisant bloc derrière son capitaine. En Ligue des Champions, une Panenka pleine de sang-froid de Parejo face au LOSC a fait chavirer Mestalla comme un seul homme et relancé son équipe vers une qualification, à égalité avec Chelsea et l’Ajax. Tout un symbole pour lui qui avait connu face au même LOSC au même endroit en 2012 l’une des pires bronca jamais réservées à un joueur de Valence, de son échauffement à chacun de ses gestes une fois entré.

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Le même qui est actuellement le meilleur buteur du club avec 6 buts en 13 journées, reparti sur des bases monumentales. Suffisant pour convaincre Luís Enrique de faire appel à lui pour être l’un des leaders donc manque sa Roja pour l’Euro ? Si l’irrégularité de Thiago Alcântara et le mauvais début de saison de Saúl Ñiguez, qui peine à se trouver une place dans le système de jeu espagnol posent question, soyez sûrs que lui s’accrochera. Jusqu’au bout, même au-delà. Il a le cœur pour ça.

Crédit photo: Icon Sport

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