Croatie : un retour à la compet’ avec de mauvais souvenirs

Si la France, qui affronte la Croatie le 8 septembre prochain, voit cette confrontation comme le merveilleux souvenir qui l’a vue sacrée championne du monde en Russie, pour les Croates, leurs deux futures confrontations contre le Portugal (le 5 septembre) et la France (le 8) en Ligue des Nations rappellent quelques souvenirs tragiques : une élimination à l’Euro 2016 et à la Coupe du monde 2018.

Replay de deux matches historiques pour la sélection croate

Le duel qui opposera le Portugal de Cristiano Ronaldo (incertain par ailleurs) et la Croatie d’Ivan Perisic (Modric et Rakitic absents) ce samedi soir est un replay d’un match de l’Euro 2016, où la Croatie avait été éliminée en huitième de finale au terme d’une prolongation et d’un but tardif du fantasque Ricardo Quaresma (117e). Si la culture footballistique du pays des Balkans est assez peu connue par chez nous, soyez certains que ce soir de juin 2016 est resté gravé dans les mémoires des Vatreni (surnom des joueurs rouge et blanc). La déception fut très grande et les Croates rentrèrent chez eux têtes baissées, sans savoir qu’ils ont finalement perdu contre les futurs vainqueurs de cet Euro 2016. 

Depuis, l’équipe croate a bien changé. Alors qu’à l’époque on retrouvait Srna comme capitaine, ou des tauliers comme Subašić et Mandzukić, tout ce beau monde a aujourd’hui pris sa retraite et on ne peut pas vraiment dire qu’ils aient été remplacés. Côté Portugal aussi l’équipe a changé, mais elle a plutôt évolué, avec l’émergence de jeunes comme João Félix ou Gonçalo Guedes.

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Alors que le Portugal, après avoir remporté l’Euro 2016, fut éliminé de la Coupe du monde par l’Uruguay, la Croatie est allée jusqu’en finale, ayant fédéré au passage un bon nombre de supporters internationaux face à l’ogre français. La suite, on la connait : la France bat la Croatie (4-2), Mbappé est intenable, les Bleus ne laissent aucun espoir à l’équipe aux maillots à damiers.

Ce triste soir a marqué les esprits en Croatie, même si les joueurs ont été accueillis comme des héros à Zagreb. Les Croates ont fait la fête quasiment une semaine, d’abord dans la capitale, puis chacun dans sa ville d’appartenance. Il y a cependant toujours un peu d’amertume qu’une si belle équipe, formée d’anciens nés en Yougoslavie croate, ou de plus jeunes nés dans les années 90 après l’indépendance de 1991, n’ait rien remporté et que certains s’en aillent sur cette fin…

Mais l’après Coupe du monde a été plus que compliqué. Dans le même temps, le Portugal remonte la pente après l’élimination, remportant la Ligue des Nations avec une équipe renaissante. La Croatie, elle, perd tous ses cadres. Sa génération dorée prend sa retraite bredouille. Et la suite est salée. 

De nombreuses pertes et plein de petits nouveaux

Pour commencer, faisons le bilan sur les pertes. Le XI affiché contre le Portugal en 2016 est digne d’une des plus grandes sélections. Dans les buts on retrouve Danijel Subašić, qui réalisera ensuite une saison historique avec l’AS Monaco, sorti notamment en demi-finale de Ligue des champions par la Juventus. En charnière centrale, nous avons le duo de costauds Vida – Ćorluka, méconnus mais très robustes et capables du meilleur comme du pire.

Le milieu voyait alors deux des meilleurs milieux de terrain au monde s’échanger des balles : Luka Modrić et Ivan Rakitić. Pour compléter la paire, on retrouvait Milan Badelj, alors milieu de terrain à la Fiorentina, qui sait prendre part au jeu et combler les absences défensives de ses deux compères. L’attaque est elle composée de Brozović et Perišić, un duo d’ailiers vifs qui jouent ensemble toute la saison à l’Inter, et de Mandžukić, alors attaquant de la Juventus qui marquera un an plus tard une superbe bicyclette contre le Real Madrid en finale de Ligue des champions (1-4).

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À la fin de l’Euro 2016, Srna tire sa révérence et laisse place au doute sur son futur remplaçant dans le couloir droit. Si Vrsaljko est vu comme son remplaçant naturel, ses nombreuses blessures vont ralentir ses progressions en tant que titulaire. Il sera malgré tout titulaire à la Coupe du monde 2018. Les plus durs à remplacer restent la charnière centrale. Si la Croatie est très forte pour former des milieux ou des ailiers, dans les buts et en défense peu de noms émergent. À l’issue de la Coupe du monde 2018, Ćorluka prend sa retraite et Lovren se blesse, et c’est le début des complications pour la sélection.

En septembre 2018, juste après la Coupe du monde, la Croatie perd 6-0 contre les Espagnols en Ligue des Nations. On sent une équipe abattue. La défense a eu d’énormes soucis et aujourd’hui encore, le chantier est ouvert. La défense centrale voit émerger des talents qui s’intègrent peu à peu dans le XI croate comme Dino Perić (Dinamo Zagreb) et Ćaleta-Car qui jouent titulaires lors du dernier match de qualification pour l’Euro. Sur les côtés, Strinić, le latéral gauche à l’Euro 2016 et au Mondial 2018, n’a jamais vraiment été à la hauteur de sa tâche et reste le point faible de cette équipe. Ayant dû arrêter sa carrière après la Coupe du monde pour des problèmes cardiaques, il est aujourd’hui remplacé par Barišić, joueur des Glasgow Rangers. 

Au milieu l’avenir est plus que solide, et peu de joueurs sont partis. Luka Modrić est toujours le capitaine de l’équipe, Rakitić répond toujours présent en sélection et de nombreux jeunes ont rejoint la sélection. Dans les petits nouveaux on retrouve Nikola Vlašić, titulaire au CSKA Moscou, Josip Brekalo, titulaire à Wolfsbourg, Mario Pašalić, qui s’est révélé comme une pièce maitresse du jeu de l’Atalanta cette saison ou encore Mateo Kovačić, qui enchaîne les excellentes prestations du côté de Chelsea (élu joueur de la saison par les supporters). On y trouvera sans doute un jour aussi Toma Bašić qui fait les beaux jours des Girondins… Le milieu de terrain qui est LE point fort de cette équipe a encore de beaux jours devant lui et on verra d’ailleurs l’émergence de ces petits cracks contre la France, avec les absences annoncées de Modrić et Rakitić qui rejoignent leurs clubs pour la préparation.

Autre chantier : l’attaque. Mario Mandžukić a pris sa retraite à l’issue de la Coupe du monde, et il parait compliqué pour l’heure de lui trouver un vrai remplaçant. Zlatko Dalić, le sélectionneur, doit composer avec Andrej Kamarić, de retour en sélection après sa blessure et Bruno Petković, le numéro 9 du Dinamo Zagreb. Le joueur de Hoffenheim qui murit sur les pelouses allemandes est l’attaquant de pointe le plus prometteur pour les Vatreni ! Il fera d’ailleurs peut-être trembler les filets au Stade de France. Sur les ailes, Perišić tient le coup mais va devoir passer le flambeau sous peu, alors que Brozovic a trouvé sa place au milieu du terrain. Si Ante Rebić a fait des merveilles pour l’AC Milan en cette fin de saison de Serie A, il n’est pas à l’abri d’un coup de sang qui pourrait le voir perdre des  matches. Et sans lui, la besogne croate en matière d’attaquants reste légère, Brekalo et Vlašić répondant présents, mais avec un Kramaric en forme… Affaire à suivre.

Le plus compliqué pour l’effectif croate reste de remplacer Danijel Subašić, crack absolu quand il joue pour la sélection, avec notamment quelques penalties incroyables sauvés en Coupe du monde. Il a pris une retraite bien méritée à l’issue de la compétition, laissant l’équipe orpheline d’un gardien de grand statut. Si c’est son numéro 2 Lovre Kalinić, gardien d’Aston Villa qui galère en Angleterre, qui a pris sa place à son départ, il a payé cher la défaite 6-0 contre l’Espagne. Et c’est depuis le jeune Livaković qui a pris sa place dans les cages. Mais non sans mal. Le gardien du Dinamo Zagreb, très apprécié du public croate, a  encore quelques lacunes, notamment dans son jeu au pied ou son placement, qui jouent parfois des tours à l’équipe croate.

Des cracks annoncés qui ont du mal à se hisser au niveau des anciens

Un des derniers problèmes reste la post-formation. Alors que le Dinamo Zagreb crée des cracks au milieu de terrain à un niveau industriel, de nombreux joueurs partis assez jeunes peinent à vraiment s’établir par la suite sur la scène internationale. C’est le cas de Marko Rog, Alen Halilović, Ante Ćorić, Nikola Moro, Borna Sosa, Robert Murić, etc. 

Des joueurs qui brillent en sélection U21, qualifiant chaque fois les jeunes à l’Euro U21 assez facilement, mais qui ont énormément de mal à faire la jonction entre les espoirs et la A. Souvent vendus au prix fort par le Dinamo Zagreb dès qu’une hype s’empare du joueur, les joueurs atterrissent dans de grands clubs qui se sont battus pour les avoir, puis peinent à trouver leur place, à s’acclimater à un jeu différent et tout simplement à quitter le cocon. Le Dinamo Zagreb qui a une place si particulière dans le championnat croate, le remportant quasi systématiquement et en dominant largement ses adversaires, difficile pour ces jeunes d’apprendre à gérer la concurrence de plus gros clubs ou à défendre pour récupérer le ballon… 

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Alen Halilović est le symbole même de l’espoir déchu parce que projeté trop vite et sans parachute dans un univers qui le dépasse. Transféré pour 4M au Barça en 2014, il n’a jamais eu sa place dans l’équipe première catalane, a enchaîné les prêts avant d’enchaîner les mauvais choix. Même chose pour Ante Ćorić, annoncé pourtant comme un crack mondial lorsqu’il est transféré à l’AS Roma en 2018, il a ensuite été prêté à Almeria en 2e division espagnole, sans jamais vraiment s’imposer comme titulaire indiscutable.

De retour en Italie – l’AC Milan pour Halilović, la Roma pour Ćorić – les deux jeunes joueurs vont sans doute devoir tous les deux se trouver une autre destination pour la saison prochaine. Marko Rog a lui su prendre définitivement sa place à Cagliari après des piges au Napoli et à Séville. Josip Brekalo, qui brille à Wolfsbourg, avait su s’entourer et quitter tôt le Dinamo pour finir sa formation en Allemagne. Il en est de même pour Tin Jedvaj qui est parti à l’âge de 18 ans à la Roma. 

https://twitter.com/CagliariCalcio/status/1301949719804022786

Chose donc surprenante, les nombreux cracks formés au Dinamo Zagreb peinent à s’imposer dans de grands clubs européens, et même s’ils réussissent à être appelés en sélection nationale, peu sont titulaires, et souvent le sont par défaut d’avoir mieux… Les anciens joueurs doivent se soucier de l’avenir de leur sélection, après le si beau jeu qui a été déroulé par les croates pendant la Coupe du monde… Soyons-en sûrs par contre, le milieu de terrain restera bien une chasse gardée croate !

La sélection croate pour les matches contre le Portugal (le 05.09 à 20h45) et la France (le 08/09 à 20h45) :

Gardiens : Livaković (Dinamo Zagreb), Sluga (Luton Town), Grbić (Lokomotiv Zagreb)

Défenseurs : Vida (Besiktas), Lovren (Zenit St Petersbourg), Vrsaljko (Atlético de Madrid), Jedvaj (Bayer Leverkusen), Barišić (Glasgow Rangers), Ćaleta-Car (OM), Melnjak (Çaykur Rizespor), Pongračić (Wolfsbourg), Škorić (Osijek)

Milieux : Modrić (Real Madrid), Rakitić (Séville FC), Kovačić (Chelsea), Brozović (Inter Milan), Badelj (Lazio Rome), Pašalić (Atalanta Bergame), Vlašić (CSKA Moscou)

Attaquants : Perišić (Bayern Munich), Kramarić (Hoffenheim), Rebić (AC Milan), Brekalo (Wolfsburg), Petkovic (Dinamo Zagreb), Čolak (Rijeka), Budimir (Majorque)

Photo: Pixsell/Icon Sport

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