L’heure du premier bilan pour Villas-Boas

Entraîneur de l’Olympique de Marseille depuis le 29 mai 2019, André Villas-Boas a eu la lourde tâche de succéder à un Rudi Garcia très décrié et de devoir composer avec la plus faible marge de manoeuvre depuis le rachat du club par Franck McCourt. Après plus de 4 mois, il est déjà l’heure du premier bilan pour le Portugais.

La saison 2018-2019 achevée, son lot d’humiliations et de colère avec elle, Rudi Garcia s’en alla, baluchon au bras. S’il fut le premier à avoir accepté le projet McCourt, le feu – ou pas? – Champions Project, s’il conduisit l’OM en finale d’Europa League, le Français quitta le club avec fracas.

Un prédécesseur qui a montré ce qu’il ne fallait pas faire

C’est que le jeu déployé par les olympiens d’alors, leur attitude et surtout celle de leur coach n’ont pas manqué de susciter le dégoût chez de nombreux marseillais. Suivre l’OM était alors devenu une obligation, un peu comme un contrôle judiciaire qui oblige à pointer chaque soir. Le plaisir n’était clairement pas là mais de toute façon, ce n’est pas comme s’il était réellement possible de faire autrement.

Un point particulier de Rudi Garcia a peut-être été le plus insupportable pour les observateurs du club marseillais : sa communication.
Le francilien de naissance a une forte tendance à user, abuser et re-abuser d’excuses en tous genres pour justifier les contre-prestations de ses joueurs. Son acharnement sur l’arbitrage a ainsi été jugé grotesque par les supporters.
Sa langue de bois incessante à l’encontre du recrutement notamment a passablement agacé. Qui va vraiment croire que “l’OM n’a pas besoin d’un numéro 9” ou “l’OM n’a pas besoin d’un latéral gauche” quand le premier connaisseur de ballon venu remarque instantanément ces manquements ?

Le recrutement, justement. Il est celui qui a cristallisé de très nombreuses saillies. S’il est impossible de déterminer avec précision à qui est due telle arrivée ou tel départ – le mercato d’été 2019 mené par Andoni Zubizarreta ayant permis de réaliser que celui-ci n’était, de toute façon, clairement pas exempt de tout reproche – Rudi Garcia a été désigné comme étant LE principal gestionnaire du mercato.

Forcément, quand l’OM accumule les mauvaises pioches, l’entraîneur a eu à en répondre. Il est ainsi accusé d’avoir rendu olympiens Grégory Sertic ou Aymen Abdennour tout en ayant empêché de nombreuses signatures comme celle de Carlos Bacca. Il a privilégié des joueurs d’expérience au fort salaire et c’est ce choix qui a mis le club sous la menace du fair-play financier puisque les résultats n’ont pas suivi.

Pour autant, il serait injuste de ne pas lui accorder de crédit quant aux signatures de Caleta-Car et Luiz Gustavo par exemple. Il est aussi celui qui installa Maxime Lopez et Boubacar Kamara (après de nombreuses hésitations et en les baladant à différents postes mais quand même) dans le onze olympien.

Rudi Garcia est finalement ce que beaucoup pensaient qu’il était avant son arrivée : un bon entraîneur, qui a permis de relancer un Olympique de Marseille qui partait s’abonner aux places du ventre mou mais qui, finalement, n’a ni les qualités ni le tempérament pour mener les olympiens aux sommets annoncés au rachat du club.

Un mercato placé sous le signe de la revanche

En récupérant l’OM de Rudi Garcia, André Villas-Boas savait qu’il allait devoir mener bataille sur différents fronts.

Le premier d’entre eux était celui de la restructuration de l’effectif marseillais. Beaucoup de joueurs semblaient en fin de course et, de toute façon, la menace planante du fair-play financier a contraint les décideurs olympiens à se séparer de nombreux joueurs.

Ce sont ainsi Rolando, Mario Balotelli et Thomas Hubocan (en fin de contrats), Adil Rami (limogé et devenu le catalyseur de nombreuses tensions chez les supporters) et Clinton Njie. Surtout, Lucas Ocampos et Luiz Gustavo, deux joueurs appréciés parmi les virages olympiens, ont quitté le navire. Le premier s’en est allé à contre-coeur, le second lassé et éreinté par une saison 2018-2019 insupportable pour un professionnel exemplaire tel que lui.

Pour autant, si ces départs ont été finalement assez nombreux (en y rajoutant ceux des jeunes Marasovic, Cagnon, Escales et Sari sans oublier le prêt de Rocchia), ils n’ont pas été très lucratifs. Ils ont fortement allégé la masse salariale marseillaise, mais n’ont rapporté qu’environ 25 millions d’euros au club.

Au rayon des arrivées, ce sont à la fois un choix de Villas-Boas, un choix d’Andoni Zubizarreta et une cible de longue date du club qui ont grossi les rangs marseillais.

Le premier, le choix du coach, s’appelle Dario Benedetto. Il est incontestablement d’ores et déjà une réussite totale, tant il convient parfaitement au schéma de son entraîneur portugais, aux attentes de ses supporters (le fait qu’il soit argentin et tatoué aidant peut être aussi) et aux attentes de ses coéquipiers. Avec quatre buts en six matchs et une participation incessante au jeu de son équipe via décrochages et remises, il a rapidement fait taire ceux qui doutaient de lui et de son prix (14 millions d’euros). À 29 ans, il est revanchard pour sa première expérience européenne. Un bon point pour l’ex-coach de Porto.

Le second s’appelle Alvaro Gonzalez. Il est décrit comme étant un joueur du réseau d’Andoni Zubizarreta mais ayant été validé par Villas-Boas. Son arrivée en prêt (avec une option d’achat variant entre 4 et 8 millions d’euros) et sa très rapide adaptation – il a stabilisé une défense olympienne qui a souffert le martyr face à Reims – en font une excellente recrue. Villas-Boas n’a pas hésité à le titulariser à la place du pourtant talentueux Caleta-Car et ce choix fort semble payer, tant l’espagnol paraît lui aussi apprécié des supporters pour ses valeurs de combat et de hargne. Sa blessure (5 semaines) risque de faire mal à la défense marseillaise.

Le troisième, enfin, est celui dont il est le moins possible de parler à l’heure actuelle, à savoir Valentin Rongier. Il est toute fois notable que l’entraîneur olympien cherche à l’intégrer progressivement à son 11 en lui accordant un temps de jeu croissant (respectivement 10 puis 20 minutes). En peu de temps face à Montpellier, il a démontré une qualité de passe et de vision qui risque d’être très importante pour la saison à venir de l’OM de Villas-Boas. Son prix (13 millions) et son âge (25 ans), semblent en faire une recrue très intéressante.

Une communication brillante

Avec le volet mercato, qui semble donc réussi, et avant le volet terrain, c’est dans la communication que Villas-Boas doit être jugé. Là dessus, le Portugais n’a pas déçu. Contrairement à son prédécesseur, il joue la carte de la transparence absolue.

Cette transparence s’est déjà vue dans la communication mercato puisqu’il avait été annoncé carte sur table à la fois que le club n’avait pas d’argent, que le fair-play allait être contraignant, l’effectif limité et les jeunes du centre progressivement incorporés.
Les arrivées de Benedetto et d’Alvaro Gonzalez n’ont, de plus, jamais été niées. Le coach confirmait sans aucun problème son intérêt pour les joueurs et son désir de les voir rejoindre son équipe au fur et à mesure de l’avancement des dossiers.

La transparence est aussi arrivée dans les ambitions. Le coach ne s’est pas contenté du sempiternel “Faire mieux que la saison précédente” ou “On prend les matchs les uns après les autres”, il a annoncé clairement son objectif : le podium. Des paroles fortes et à double tranchant puisqu’aussi motivantes que sources de pression pour un effectif à la profondeur très limitée.

La communication de Villas-Boas fait aussi du bien lorsqu’il s’agit de parler terrain. L’entraîneur explique ses choix, explique les variations et les non variations de ses schémas, explique la méthode adoptée pour la préparation physique, explique pourquoi Payet doit jouer ailier gauche, explique pourquoi Caleta-Car a perdu sa place…
L’entraîneur parle ballon et ses conférences de presse captivent. Ainsi, si Rudi Garcia était lui aussi incontestablement charismatique, ses conférences de presse étaient la majorité du temps vidées de tout intérêt.

Enfin, Villas-Boas parle réellement de ce qui est arrivé sur le terrain. Lors de la victoire marseillaise face à Saint-Étienne, par exemple, il loue la combativité de ses joueurs mais ne manque pas de rappeler l’évidence : l’OM a mal joué, l’OM n’a pas combiné et l’OM n’est pas à la hauteur de ce qu’il attend de lui. En évitant de s’en prendre systématiquement à l’arbitrage – il le fait face à Montpellier, probablement à raison -, il évite de donner l’apparence d’un entraîneur qui se cherche des excuses.

Là encore, le jour et la nuit avec son prédécesseur qui semblait systématiquement voir d’autres matchs que le monde entier avec ses récurrents “on a fait une bonne première mi-temps” “il ne nous a manqué que la finition” et ses saillies contre un arbitrage à qui il reprochait la majeure partiede ses contre-performances.

Le jeu, déjà?

Le dernier point est évidemment le plus important, c’est celui du carré vert. Villas-Boas, aussi agréable et intéressant soit-il, ne fera pas long feu à Marseille si son jeu est décevant et ses résultats en dessous des attentes.

En choisissant, tout autant qu’il y est contraint, de maintenir la majorité des titulaires de l’an dernier, le Portugais a eu un long travail en amont à réaliser. La préparation physique, faite avec ballon uniquement, y a nécessairement contribué.

Les débuts du coach ont été difficiles. Face à Reims et à Nantes, ce sont globalement deux bouillons qu’ont pris les Olympiens. L’assise défensive était problématique et l’animation offensive inexistante. Pour autant, un point fort s’est dégagé, à savoir Steve Mandanda, lui aussi revanchard après une saison où ni le mental ni le physique n’ont suivi.

Le coach, après ces deux rencontres, décida donc de procéder à des changements. Il intronisa Alvaro Gonzalez comme titulaire en défense centrale en lieu et place de Duje Caleta-Car. Il décida de titulariser Dario Benedetto, pourtant pas encore en parfaite condition physique. La blessure de Thauvin puis celle de Sakai l’ont, ensuite, amené à titulariser Bouna Sarr latéral droit et Valère Germain ailier droit.

Le milieu de terrain, affaibli par le départ de Luiz Gustavo, est composé du trio Strootman – Lopez – Sanson. Le dernier, bien que décrié, voit son coach lui maintenir sa confiance (en attendant Rongier ?).

Face à Montpellier, et en dépit du match nul, les consignes du coach ont, enfin, paru être comprises : pressing haut, possession intense, combinaisons et débordement des ailiers. Finalement, c’est surtout par ses joueurs que l’OM a pêché puisque ni Amavi ni Sarr ne sont devenu de vrais bons joueurs à la hauteur du projet Marseillais.

À l’heure du premier bilan, on peut noter que Villas-Boas a réussi sur le plan de la communication, des résultats et du jeu. Au rang des objectifs à venir, il s’agira à la fois de résister sur le temps long avec un effectif amoindri (encore plus pour les matchs à venir, sans Gonzalez ni Kamara ni Payet) et d’arriver à stabiliser une défense qui, malgré tout, prend pas mal de buts (10ème défense de Ligue 1 à l’heure actuelle).

Alors, André Villas-Boas, es-tu une future grande réussite ou un simple pétard mouillé ?

Crédit photo : Pascal Della Zuana/Icon Sport

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