Mohamed Zidan : géni, artist, étoil et véritable symbol

Retraité dès 2016, Mohamed Zidan aura mené sa carrière à toute vitesse, entre dribbles au Danemark, anonymat à Hambourg, sacre à Dortmund, caprices partout et un peu de tout avec la sélection égyptienne. Rétrospective sur la vie d’un génie. Un génie incompris, mais un génie tout de même.

Mohamed Zidan, c’est l’art du contre-pied. L’art de lancer sa carrière au Danemark, lorsque beaucoup de footballeurs égyptiens ne quittent pas leur terre natale. Surtout, Zidan, c’est l’art de porter l’Égypte vers deux sacres continentaux, sans oublier de se mettre son peuple à dos. Pas facile d’être l’homonyme du grand Zinédine, mais Mohamed s’en fiche. Comme ZZ, l’Égyptien aimait la pression, les roulettes, les titres et les coups de sang. Moins la régularité. Si Zinédine a maîtrisé sa carrière de main de maître et subi sa calvitie, pour Mohamed, c’est l’inverse. Capable de folies capillaires mais pas de faire son trou sans une figure paternelle dans le staff de son club, il était un joueur inclassable. Un attaquant indomptable si l’on ne se nomme pas Jürgen Klopp.

De Port-Saïd à la Zidan Arena

Né le 11 décembre 1981, l’Égyptien grandit à Port-Saïd et fait ses gammes à Al Masry, club de la ville portuaire. Pourtant, à 17 ans, Mo’ Zidan décide de suivre ses parents en partance pour le Danemark. Selon la légende, en 1999, l’AB Copenhague le repère alors qu’il jonglait dans un parc.

Il signe ainsi son premier contrat pro et peut vivre son rêve européen. Cependant, l’AB vend son attaquant au FC Midtjylland en 2003. Un Mohamed Zidan d’à peine 20 ans et un club fondé en 1999 vont alors lancer ensemble leur histoire. En une saison et demie, il est élu meilleur joueur du championnat et marque 30 buts en 47 matches. Pour lui, tout s’était accéléré lors du match d’inauguration du nouveau stade de Midtjylland. En ce 24 mars 2004, la SAS Arena naît, mais Zidan score cinq pions et les supporters rebaptisent l’écrin en « Zidan Arena ».

Avec ses gestes techniques et ses chevauchées, Mohamed est peut-être le plus génial des joueurs que la SuperLiga ait connu. Mais en dehors du terrain, Zidan aurait bien besoin d’une baby-sitter. Son égoïsme tranche avec l’humilité du peuple danois. Passé proche de la case prison, l’Égyptien s’est aussi permis de distribuer de l’essence – payée par son club – aux femmes qu’il trouvait à son goût. Des manies qui lui ont coûté moult remontrances de Jens Ørgaard, directeur sportif essentiel dans la réussite de Zidan à Midtjylland.

Ainsi, Zidan a placé le FC Midtjylland sur la carte du football danois et ce début de carrière rêvé l’envoie en prêt au Werder Brême, en janvier 2005.

Mo’ Zidan et la découverte du flipper allemand

L’Égyptien vient donc égayer le vestiaire des champions d’Allemagne. Ou plutôt son banc de touche. Une première sélection avec les Pharaons vient fleurir sa fin de saison avant que Brême ne lève son option d’achat de 3 millions d’euros, avant de l’envoyer s’aguerrir une saison à Mayence. Le temps pour lui de claquer la bise à Jürgen Klopp, inscrire le but le plus rapide de l’année et de devenir le père de Philipp Lahm sur une virgule, sur le premier but du match.

Durant la saison 2006-07, Mohamed totalise neuf buts et trois passes dé en Bundesliga et démontre, après l’avoir expérimenté au Danemark, qu’il peut également transformer les défenseurs allemands en plots.

Mohamed Zidan retourne ensuite à Brême. L’occasion de remporter la DFL-Ligapokal (la Coupe de la Ligue allemande, disparue depuis) et de saluer la Ligue des champions. Il se blesse en novembre et fait ses adieux au Werder en janvier 2007. La bille Zidan est renvoyée dans le flipper de la Bundesliga et atterrit encore à Mayence. Les 05ers mise 2,8 millions d’euros sur lui, un record pour le club à l’époque.

Jürgen « Vador » Klopp et mois de février laser

15 rencontres avec Mayence lui suffisent pour marquer 13 fois sur le front du 4-4-2 de Kloppo. Zidan est même élu joueur du mois de février. Cependant, Mayence n’échappera pas à la relégation et Mo’ quitte le navire. Nouvelle séparation entre le Pharaon et son coach père adoptif. À l’instar de Subotić, Zizou est de ceux que Klopp a fait grandir. Mais au-delà de l’aspect technique, c’est dans sa psychologie que l’Allemand a réussi avec son poulain.

Une gestion humaine que l’entraîneur d’Hambourg ne respectera pas. Car dès l’été 2007, le cinquième buteur du championnat 2006/2007 arrive au HSV de Huub Stevens contre 6,5 millions d’euros. De l’argent jeté par les hublots. Les blessures et la concurrence auront raison de la motivation de Mohamed. Stevens le traitera même de « pur égoïste » dans sa biographie, ajoutant « qu’il n’a rien foutu de toute l’année ». Mais sur ce second point, Huub se trompe.

Alors qu’il était entré en conflit avec son sélectionneur avant la CAN 2006 – et qu’il avait pensé à choisir la sélection danoise –, Mohamed Zidan a fait son retour avec les Pharaons et est naturellement choisi par Shehata pour l’édition 2008, au Ghana.

Mo’ débute par un magnifique doublé contre le Cameroun, l’Égypte l’emporte (4-2). Cependant, il devient joker de luxe suite à une légère blessure. Son pays réalise un parcours brillant et terrasse les stars ivoiriennes en demi (1-4). Lors de ce match, le numéro 9 se mue en un formidable relais pour chaque contre égyptien.

ZZ sur le crâne, trophée à la main

Les Pharaons retrouvent le Cameroun en finale. Cette fois, la rentrée de Zidan est moins grandiose. Mais impossible pour lui de rester muet alors que le score est vierge. Suite à une tentative de contre avortée par Rigobert Song, le petit Zidan d’1m72 met la pression sur le capitaine camerounais. La combativité et les deux Z dessinés sur le crâne du Pharaon effraient Song, et Zidan sert Aboutrika, comme contre la Côte d’Ivoire. La légende égyptienne conclut, les Pharaons conservent leur titre et Mo’ soulève sa première CAN à 26 ans.

Après la sélection, Mohamed relance sa carrière en club en août 2008. Jürgen Klopp fait le forcing pour que Zidan débarque avec lui, au BvB. Watzke accepte et envoie Petrić et 2,8 millions à Hambourg, tandis que MZ signe quatre ans et prend le numéro 10 de Dortmund. Il ne soigne pas son entrée. Le Mur Jaune le siffle, dans un match où le BvB remonte trois buts à Schalke… après sa sortie (3-3). Mais avec Mo’, le football marche aux coups d’éclat.

Encore hué à son entrée contre le Werder en octobre, Zizou égalise dans le temps additionnel (3-3) et met le public dans sa poche. Pas rancuniers ces Allemands, mais Zidan va continuer de marquer dans les gros matches, comme sur un pétard envoyé au Schalke de Neuer. Ainsi, Mohamed marque 7 buts et est au chevet de Dortmund pour assurer le réveil du Borussia. 13ème l’an passé, le BvB prend le 6ème siège du crue 2008/2009, emmené par sa vague de recrues.

Au sommet de la pyramide et sur le toit du Mur Jaune

Klopp forme alors le duo qui va mener l’attaque de Dortmund pour la saison 2009/2010 : Zidan et Barrios. Dans le 4-2-3-1 des Borussen, le Pharaon est en 10 mais évolue comme un attaquant de soutien. Il s’épanouit dans ce rôle, dézone sans arrêt et donne de l’élan au jeu de transition du BvB. Son habileté des deux pieds et ses feintes de tir le rendent imprévisible. L’Égyptien s’est fait une spécialité de conclure ses raids avec des frappes bien placées, aussi sèches que le désert. En bon poulet sans tête, il est aussi capable de s’entêter, de se retourner pour foncer le nez dans le mur. Mais quand Mo’ est bien luné, ses remises et ses une-deux éclaircissent le pré.

Le Pharaon se plie aux exigences du pressing suffoquant des Schwarz-Gelben. Zidan est titulaire 26 fois, mais peine à disputer l’intégralité d’une rencontre. Tant pis, il récite son football en deuxième partie d’exercice, terminant la saison avec huit buts et autant d’assists. Après un récital contre Gladbach, Klopp ne manquera pas l’occase de vanter son pote : « Ça c’est le Zidan que je connais. » Ce déclic serait-il dû à sa réussite lors de la CAN 2010 ?

Bien entendu, MZ ne pouvait pas débarquer en sélection en odeur de sainteté. Suspendu en 2008 après avoir simulé une blessure, il est écarté de la sélection en 2009 pour absence injustifiée. Le collégien commence bien la compétition contre le Nigéria (3-1 et une passe dé), mais trouvera judicieux de ne pas saluer son remplaçant contre le Mozambique. Nouvelle pluie de critiques pour lui, qu’il stoppera en mettant le feu à la défense algérienne en demi-finale. Avant le match, Zidan n’a cessé d’attiser les braises de la rivalité contre ceux qui ont éliminé les Pharaons à la course au Mondial 2010. La vengeance est radicale, l’Égypte terrasse les Fennecs (4-0). Zidan marque et fait marquer, l’Algérie finit à 8 avec pétages de câbles à la clé.

En finale, Zidan réussit sa passe décisive pour Gedo au terme d’un match sans relief face au Ghana (1-0). L’Égypte remporte sa septième CAN. Mo’ criera sa joie, perché sur les cages, mais hurlera sa fureur quand la sécurité du stade de Luanda l’empêchera de communier avec ses supporters. Triste symbole de l’incompréhension qui a régné entre lui et le peuple égyptien durant sa carrière. Héros un jour, bouc émissaire le lendemain.

CAN célébrée au Signal Iduna Park, nommé dans l’équipe type de la compétition et parmi les meilleurs joueurs africains de 2010, Zidan est en pleine ascension. Celle-ci sera stoppée par une rupture des ligaments croisés (tu connais) contre Hoffenheim, en avril 2010.

Premier titre en Buli, phénix, prison et petite mort

À son retour – après avoir été retenu au pays afin de régulariser ses obligations militaires –, Götze and Co ont pris les rênes et Mohamed trouve vite la porte du placard. Il n’en ressort que pour fêter le titre de champion de 2011, noyer Klopp sous la bière et obtenir la nationalité allemande. C’est sur un match de C1 et une bagarre à l’entraînement avec Da Silva que Zidan quitte Dortmund, en janvier 2012, après 73 parties au BvB.

« En termes d’organisation, de stade et par dessus tout, de fans, le BvB est le meilleur club parmi lesquels je suis passé », exprime un Zidan amoureux, à Borussia Online.

À l’évidence, Mohamed Zidan se tourne vers son amour de jeunesse, Mayence. Il renaît une dernière fois, marquant lors de chacun de ses six premiers matches, même contre le Borussia.

Mo’ ajoute une autre réalisation pour devenir le meilleur buteur du club en Bundesliga (29 buts) et profite de la liberté qui lui est laissée. Un peu trop. À son actif : comportement de diva, retards et chants insultants à l’encontre des fans de Kaiserslautern. Il aura beau dire à Bild qu’il « ne voulait offenser personne », ces déboires freineront les négociations de son contrat. Il ne sera pas prolongé. Zidan file aux Émirats, à Bani Yas avant de terminer sa carrière au Entag El-Harby en Égypte. Deux histoires qui tournent court. MZ tire sa révérence entre embrouilles et procès, en 2016.

Malgré son statut, médias et fans égyptiens lui reprocheront sa célébration munit d’une tétine alors que le pays pleure le drame de Port-Saïd en 2012. Ses liens avec le fils de Moubarak ne passent pas et Zidan n’est pas loin d’être condamné à six ans de prison. Une histoire de chèques sans provision délivrés à une société immobilière. Le joueur témoignera de son innocence à Bild et sa peine sera annulée suite à un accord avec l’entreprise. Avant d’être blacklisté par le sélectionneur Bob Bradley courant 2012, il marque lors de sa dernière sélection, sur un caviar d’un certain Mo’ Salah.

Celui qu’il considère comme son père l’aurait d’ailleurs comparé au joueur des Reds et Zidan l’a fait savoir à OnTime Sports : « Klopp m’a dit que j’étais meilleur que Salah des centaines de fois mais que je devais être plus professionnel. » Kloppo était peut-être aveuglé par l’amour, d’autres le considéraient comme un joueur YouTube, mais Zidan était un artiste. Un artiste maudit qui savait provoquer les défenseurs et aussi sa malchance. Si l’Égyptien se sera fait beaucoup de blessures et d’ennemis, il aura marqué tellement de supporters. Innarêtable dans un bon jour, insupportable dans un mauvais. Une vitesse et une ténacité à rendre fou. Une folie visible à travers ses multiples tentatives de coiffure.

Le terrain capillaire, celui où il dominait le vrai Zizou. Légende qu’il aura copié jusqu’à inscrire un doublé contre le Brésil, en 2009. Certes, Mohamed marquera toujours un point de moins que ZZ au Scrabble mais Zidan a un autre talent. Car si l’on dit souvent que la retraite est la petite mort du footballeur, Mo’ Zidan est lui mort plusieurs fois pour le football. Mais il a toujours su renaître de ses cendres. Mohamed le phénix était une étoile. Une étoile filante, mais une étoile tout de même.

Crédit photo : Icon Sport

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