Messi-Ronaldo : les vrais gagnants du duel, c’est nous

Depuis plus de 10 ans, la planète football est dominée par le duo Messi-Ronaldo. Cette rivalité hors norme et unique a plongé le football dans une nouvelle dimension. Celle des exploits devenus banals pour ces joueurs. Alors, arrêtons de les opposer et apprécions-les. Tant qu’il en est encore temps.

Que dirons-nous à nos enfants ou petits-enfants, quand ils nous demanderont à quoi ressemblait le football des années 2010-2020 ? Nos réponses pourront se résumer à parler des exploits de Lionel Messi et de Cristiano Ronaldo. Depuis une décennie, le débat qui déchire les fans de football est de savoir lequel des deux est le plus grand joueur de tous les temps. Il ne sera pas question de ça dans cet article. Mais bien de réaliser à quel point nous sommes privilégiés d’avoir observé ces deux joueurs se surpasser, s’affronter et marquer l’histoire.

Des styles de jeu différents…

Ces deux géants ont laissé une empreinte définitive sur ce sport, le plus populaire de tous. Mais chacun l’a fait dans son style propre. Dribbleur fantasque à ses débuts avec Manchester United, Cristiano Ronaldo a peu à peu évolué. Fini les coups du foulard et autres grigris, le joueur de 34 ans a décidé d’épurer son jeu pour se transformer en machine à marquer et à gagner. Son physique prend une part très importante dans son comportement de footballeur. Toujours aussi rapide, il a, avec le temps, développé une détente impressionnante, qui lui a permis de devenir l’un des meilleurs joueurs de tête du monde.

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C’est de la tête que le génie de Messi a pris une nouvelle ampleur. En finale de Ligue des champions 2009, la « pulga » (puce, en argentin) s’élève pour tromper Van der Sar d’une tête imparable. Si le joueur de 1m70 n’en a pas fait une arme létale, ce diamant brut a lui aussi été poli avec le temps. Face au monstre physique qu’est le Portugais, l’Argentin a privilégié la grâce et la vivacité balle au pied. Capable d’éliminer trois ou quatre joueurs dans un périmètre très resserré, le Barcelonais de 32 ans a basé son jeu sur une conduite de balle parfaite et une capacité d’élimination aussi simple qu’efficace. À sa panoplie, Messi y a rajouté, au fur et à mesure, une vision du jeu alliée à un jeu de passe destructeur, tout en dépassant de loin son meilleur rival dans l’efficacité sur coup de pied arrêté.

…comme leurs caractères

Au style de jeu bien différent, ces deux génies du football le sont aussi dans leur comportement et dans leur caractère. L’un est un travailleur acharné, ne laissant rien au hasard. «On revenait d’un long périple à Manchester. On était fatigués du match. Je l’ai vu à la salle le lendemain, il m’a dit qu’il avait besoin de continuer à travailler», a raconté Blaise Matuidi à propos de son coéquipier de la Juventus. Si Cristiano a eu cette passion du travail dès le début de sa carrière, Messi a mis un peu plus de temps à saisir tous les enjeux d’une hygiène de vie saine. En 2015, cette dernière est remise en question, notamment son alimentation. Un problème qu’il a depuis corrigé, grâce à l’arrivée du docteur Giuliano Poser.

Et dans la vie de tous les jours, on retrouve aussi deux êtres bien différents. L’un est discret sur sa vie privée, l’autre s’affiche torse nu pour ses 191 millions de followers sur Instagram. L’un paraît humble, l’autre affiche sa pleine confiance en lui. L’un semble introverti, l’autre ne cesse d’haranguer ses coéquipiers.

Un niveau de performance unique

Oui mais comme le dit le proverbe, les opposés s’attirent. Voilà un Argentin d’1m70 et un Portugais culminant à 1m87 liés à vie par une rivalité qu’ils ont repoussé au-delà des limites. Ce n’est pas pour rien si le Clásico était suivi par près de 650 millions de téléspectateurs dans le monde. Tous attendaient des exploits des deux stars du football mondial. Et, malgré une pression sur leurs épaules inimaginable pour le commun des mortels, ils ne décevaient que rarement. Avec 26 et 18 buts, ces deux joueurs ont les deux meilleurs totaux de buts dans ces matches si particuliers (Ronaldo partage la 2e place avec Di Stéfano). En 2017, les deux joueurs s’étaient rendus coup pour coup, jusqu’à la célébration.

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Ce niveau de performance unique dans l’histoire du football, ces deux joueurs n’ont cessé de le pousser toujours plus haut. Entre 2009 et 2018, la Ligue des champions n’a échappé que trois fois à leurs griffes. Sur ces 10 éditions, Cristiano Ronaldo a terminé meilleur buteur de la compétition cinq fois et Messi quatre fois. La seule année manquante est la saison 2014/2015 où les deux joueurs avaient fini égalité à la… première place (avec Neymar). Ce n’est pas pour rien qu’ils dominent largement le classement des meilleurs buteurs de l’histoire de la compétition, avec 128 buts pour le numéro 7 et 114 pour le numéro 10. Raúl est 3e, avec « seulement » 71 réalisations. C’est dire le gouffre qui sépare les deux hommes du reste du gratin du ballon rond européen.

De par ces performances, ils poussent leurs équipes aux sacres nationaux, continentaux et mondiaux. Ils n’ont même plus assez de doigts pour les compter. C’est donc tout naturellement qu’ils ont marqué le Ballon d’Or de leur empreinte. Avec respectivement six et cinq récompenses, l’Argentin et le Portugais ont eu le quasi-monopole de ce trophée pendant 12 ans. Preuve de leur régularité à toute épreuve, ils comptabilisent 12 podiums chacun. Derrière, on retrouve Platini et Beckenbauer avec… cinq podiums.

Un parcours national semé d’embûches

Les deux meilleurs ennemis du football moderne ont longtemps eu un point commun : leur incapacité à offrir un titre à leur sélection nationale. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. L’Argentin a échoué trois fois en finale de la Copa America et surtout une fois en finale de la Coupe du monde. «J’ai vécu beaucoup de moments tristes avec la sélection, c’était l’opportunité de changer tout ça. (…) Je voulais juste soulever cette Coupe et l’emmener en Argentine», avait-il ruminé, suite à cette défaite en 2014. Cette plaie, Messi ne l’a pas encore refermée. Peut-être dès l’année prochaine, avec la Copa qui se disputera en Argentine ?

Cristiano Ronaldo a lui aussi rongé son frein. Défaite en finale de l’Euro portugais en 2004, en demi-finale du Mondial de 2006, puis en demi-finale de l’Euro 2012. Jusqu’à 2016. En France, le Portugal s’impose au bout des prolongations (1-0), sans son meilleur joueur, blessé en début de match, mais toujours hyperactif depuis son banc de touche. Ce titre libèrera à tout jamais Cristiano, seul capitaine de la Seleção portugaise à avoir soulevé un trophée. « Oubliez les titres individuels et la Ligue des champions, ce jour est l’un des plus heureux de ma vie. C’est le trophée qui manquait. Dans l’histoire du Portugal, on est les premiers à faire ça», s’était-il enflammé dans les vestiaires, après la victoire la plus symbolique de sa carrière.

Aujourd’hui, le Portugais est aux portes des 100 buts en sélection, avec quelques performances qui resteront gravées (son triplé contre la Suède pour se qualifier au Mondial 2014, son triplé contre l’Espagne en 2018…). Messi est lui aussi le meilleur buteur de l’histoire de l’Albiceleste, avec 70 buts au compteur. Parmi ceux-là, son triplé contre le Brésil ou celui qualificatif pour le Mondial 2018, contre l’Equateur.

«J’espère pouvoir continuer pendant longtemps, je pense que j’ai encore de belles années devant moi, même si la retraite approche», a annoncé un Messi réaliste, lors de la cérémonie du Ballon d’Or de ce lundi. C’est peut-être encore plus vrai pour Cristiano Ronaldo, qui aura 35 ans en février. Quand ils se retireront, nous réaliserons alors tout ce qu’ils ont apporté au football de cette génération. À quel point ils ont repoussé, année après année, les limites de ce que nous pensions possible. Le nombre de fois qu’ils nous ont fait nous lever de nos sièges. Et nous n’aurons alors que deux mots à dire : gracias, obrigado.

Le documentaire «J’ai rencontré deux monstres» de RMC Sport, dans lequel les adversaires de Messi et Ronaldo témoignent, est disponible en cliquant ici. Retrouvez également l’interview du réalisateur,  Nicolas Lansalot, par Ultimo Diez.

Crédit photo : Marca / Icon Sport

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