L’éternel Blaise Matuidi

Souvent critiqué pour son style peu académique balle au pied et sa qualité technique relative, Blaise Matuidi reste pourtant incontournable en club comme en sélection depuis de longues années. Portrait d’un infatigable aussi bien dans les jambes que dans la tête.

La poitrine comprimée, Blaise pleure à chaudes larmes sur le banc des Bleus. Eliaquim Mangala, tel un grand frère, fort et insensible, pose une main sur son épaule en guise de réconfort. Rien n’y fait. La France a perdu la finale de l’Euro 2016. Le numéro 14 de l’équipe de France plonge son visage dans ses mains, espérant échapper aux regards de 80 000 supporters en détresse. Au fond, Matuidi cogite. Et s’il avait laissé passer sa chance en bleu ? Le milieu du PSG l’annoncera ensuite : la Coupe du monde 2018 sera «sans doute» son dernier Mondial. Il n’a que 29 ans et le doute le suit comme son ombre. Aujourd’hui ? Encore. Hier ? Déjà. Mais toujours, «la pieuvre» a balayé le scepticisme ambiant, cumulant trophées, récompenses et confiance des coéquipiers et des coaches.

Troyes et Saint-Étienne, l’ascension fulgurante

Bien avant son rôle de cadre au Paris Saint-Germain et en équipe de France, Matuidi s’épuisait à prouver sa valeur. Le natif de Toulouse fête ses 15 ans lorsqu’il intègre l’INF Clairefontaine. «Certains étaient plus forts que moi, plus techniques, plus physiques, plus matures, mais ils n’avaient pas cette volonté de réussir, s’est-il souvenu. J’ai alors pris conscience de l’importance du travail et la possibilité de devenir professionnel m’est apparue.» Blaise est à peine majeur lorsqu’il fait ses premiers pas en Ligue 1, sous le maillot de Troyes. Casquette à l’envers et blouson floqué au nom du chanteur Will i am, le milieu de l’ESTAC décortique son jeu qui n’a jamais vraiment changé : «J’aime bien les duels, je suis une personne qui aime bien rentrer dedans. Je me bats pour mon équipe et je pense que c’est ça qui a fait que l’entraîneur (Jean-Marc Furlan) a pu compter sur moi.»

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Furlan ne compte pas sur lui. Il dépend de lui. En 2006-2007, seul le gardien de but Ronan Le Crom est davantage utilisé par le coach troyen. Logiquement, le club de l’Aube se résout à le vendre. L’AS Saint-Étienne se gausse d’avoir recruté un futur grand. Alain Perrin en 2009-2010 puis Christophe Galtier en 2010-2011 font de Matuidi leur joueur disputant le plus de minutes. Au terme de cette dernière saison, celui que Christophe Jallet surnommera «la faucheuse» est élu meilleur joueur par les supporters des Verts. Sa signature au PSG se présente alors comme la suite logique. Mais l’incertitude l’escorte. Un milieu surnommé «Marathon man», aux dribbles aléatoires et en sueur pour combiner dans de petits espaces, peut-il s’imposer au sein de la nouvelle superpuissance parisienne ?

Ancelotti : «Aussi indispensable qu’Ibrahimovic ou Thiago Silva»

Vous en doutiez peut-être. Pas Carlo Ancelotti. En 2012-2013, Blaise Matuidi dispute 52 (!) rencontres, dont 50 comme titulaire. «Je pense qu’il a surpris tout le monde, reconnaît l’entraîneur italien dans les colonnes de L’Équipe. En un an et demi, il a amélioré sa confiance et sa constance. Aujourd’hui, il est aussi indispensable au PSG qu’Ibrahimovic ou Thiago Silva. C’est un joueur qui n’a pas forcément un talent technique mais il a le talent du cœur, celui qu’il met dans le jeu. […] Quand on est son entraîneur, on a envie de le rester un petit bout de temps…» En 2017, Matuidi lui retourne le compliment, le désignant comme «celui qui m’a vraiment fait franchir un cap» au micro de RMC.

Tel un Gennaro Gattuso à l’AC Milan, dont Ancelotti ne pouvait pas se passer non plus, Matuidi incarne l’abattement défensif, la récupération, le harcèlement. Le milieu transalpin a justement encensé le Français en 2018 : «Matuidi m’a toujours plu. C’est un joueur complet, qui défend, qui se projette et marque quatre à cinq buts par saison. Je me suis souvent demandé pourquoi le PSG avait décidé de se passer des services d’un joueur comme lui, fort athlétiquement et tactiquement.» Car oui, Matuidi est parti. Mais pas avant 6 saisons lors desquelles «le chewing-gum» a balayé la concurrence de Yohan Cabaye, Benjamin Stambouli ou Grzegorz Krychowiak.

Quand Matuidi domine la concurrence à la Juventus

Blaise Matuidi est-il vraiment un grand milieu de terrain ? Profitait-il d’un favoritisme par Laurent Blanc au sein de la capitale ? Dès sa première saison à la Juventus, le Français s’impose non seulement dans le onze bianconero, mais il engrange surtout un plus grand temps de jeu que Miralem Pjanic et Sami Khedira. «Il est le prototype de joueur qu’aime la Juventus : du travail en quantité et peu de cinéma, synthétise Alessio Tacchnardi, illustre milieu de terrain turinois (1994-2005), pour L’Équipe. Il y avait un peu de paresse dans l’exécution des tâches défensives. Il fallait une meilleure couverture, et si vous avez un Matuidi pour assurer ce rôle-là, c’est l’idéal.»

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On redoutait l’écroulement du mythe de l’homme aux trois poumons. Il n’a été que renforcé. «Quand je suis arrivé, je n’avais pas trop l’habitude de travailler en salle de gym, révèle Matuidi au magazine L’Équipe en mars 2018 . Ici, on m’a appris le goût de ce travail. […] J’étais déjà endurant, mais là, je sens que je le suis encore plus. En match, j’ai moins de difficultés à répéter les efforts à haute intensité. Après les matches je n’ai pas de crampes, ce qui pouvait m’arriver avant.» Résultat : Matuidi résiste à la concurrence du petit prodige Rodrigo Bentancur et de la recrue Emre Can la saison suivante. L’exercice actuel ? Maurizio Sarri l’a fait disputer les trois premiers matches de Serie A en intégralité, avec Pjanic et Khedira. A Paris ou à Turin, Adrien Rabiot doit patienter sur le banc. Balèze, Blaise.

Conséquence de son statut inamovible en club : il est, derrière Hugo Lloris et devant Paul Pogba, le joueur le plus utilisé par Didier Deschamps avec les Bleus depuis la prise en fonction du sélectionneur (8 juillet 2012). Moussa Sissoko, Corentin Tolisso, Tanguy Ndombélé… Tant de noms qui n’ont pas (encore ?) réussi à supplanter l’inoxydable Matuidi. Face à l’Albanie le 6 septembre dernier, il joue 90 minutes. «Blaise Matuidi est le véritable patron du milieu, analyse Bernard Pardo, ancien international, pour L’Équipe à l’issue du match. Il apporte aux autres une sérénité exceptionnelle.» Son rendement prête toujours à débat. Néanmoins, le Turinois n’a jamais croisé un coach qui ne fasse pas de lui un pion essentiel. Aujourd’hui, sa grande expérience du plus haut niveau s’ajoute à la longue liste de ses atouts.

Coéquipier modèle, Blaise Matuidi semblait parti pour jouer le rôle de mentor auprès d’Adrien Rabiot à la Juventus. Céder sa place de titulaire à un joueur plus jeune, plus technique. Ce n’est pas la tendance du début de saison. «Blaisou» a décidément plus d’un tour dans son sac. Selon Tuttosport, la Vieille Dame envisage même de prolonger son contrat, qui expire l’été prochain. Les limites de Matuidi ? Lui-même ne les connaît pas. Il les explore, les repousse. Tant que ses trois poumons fonctionnent à plein régime, il y mettra tout son cœur.

Crédit photo : Anthony Dibon/Icon Sport

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