Marquinhos : le prince veut sa couronne

« On est là pour marquer l’histoire.» Marquer l’histoire, Marquinhos l’a déjà fait, du moins celle de son club. Mais le plus beau reste à venir. Ce soir face au Bayern Munich, il tentera d’inscrire son nom au palmarès européen, que ce soit en célébrant l’obtention d’un six mètres, ou en inscrivant un nouveau but. 

Quand il arrive au PSG en 2013, Marcos Aoás Corrêa n’a que 19 ans. Le public français le connait mal certes, mais les dirigeants parisiens placent beaucoup d’espoirs dans ce jeune joueur. Le montant de son transfert fait beaucoup parler. Plus de 30 millions d’euros pour un joueur qui a encore des bagues et qui est arrivé en Europe il y a un an ? Sa seule année à Rome aura convaincu de sortir le chéquier. C’est un pari, comme celui fait sur un autre Brésilien quelques mois plus tôt. Si le temps ne parlera pas en la faveur de Lucas Moura, son pote a pris son mal en patience jusqu’à devenir l’élément clé de l’épopée parisienne.

Le petit prince 

« “Moi, se dit le petit prince, si j’avais 53 minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine” », écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans son roman du même nom. De son côté, en plus de ne pas être blond et de ne pas vouloir d’un mouton, le nouveau prince de Paris n’en a que faire de marcher doucement vers une fontaine. Ce qu’il préfère, c’est courir dans un parc. Un Parc des Princes qui porte bien son nom et très rapidement acquis à la cause de son nouveau joyau. 

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Pour son premier match avec le club, Marquinhos inscrit un but face à l’Olympiakos en Ligue des champions (4-1). Très vite, son temps de jeu augmente et ses qualités défensives n’échappent à personne. Rapide, excellent dans l’anticipation et à la récupération. Sa première saison dépasse les attentes. L’arrivée de David Luiz va freiner sa progression. 

La concurrence entre les deux joueurs n’est pas totalement saine. Le plus jeune doit attendre des absences pour être titulaire ou se contenter de bouts de matches. Il se retrouve même à jouer sur le côté droit. Son utilisation pose des questions, surtout qu’il ne semble pas moins bon que Luiz. En 2016, mister David retourne à Chelsea et ne sera pas remplacé.

Un boulevard pour Marquinhos, propulsé titulaire aux côtés de Thiago Silva. La patience a des vertus et petit à petit, ce petit prince est en train de devenir bien plus que ça. Hormis 2013-14, le Brésilien compte au moins 40 matches à chaque saison au PSG, cumulant plus d’apparitions qu’O Monstro sur cette période. 

Marquinhos, Paris dans la peau 

Comme son compatriote en défense, Marquinhos a tout vécu avec ce Paris Saint-Germain version qatarie, ou presque. Il était déjà présent lors de l’élimination par Chelsea au bout du suspense sur un but de Demba Ba, en quarts de finale de Ligue des champions 2014. Il était titulaire dans le 3-5-2 de Laurent Blanc en 2016, contre Manchester City. Titulaire aussi lors des deux matches face au Barça l’année suivante (4-0, 6-1). Toujours là lors des éliminations face au Real Madrid et Manchester United. Chaque fois, à l’image de son équipe, il aura manqué à Marquinhos un petit quelque chose, ce brin de chance ou d’expérience. Jamais véritable leader de la défense parisienne, il est souvent parti tête basse de ces échecs à répétition. 

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Mais Marquinhos est resté. Toujours propre. Toujours proche de ses supporters, à fêter les victoires avec eux à l’issue des rencontres. Jamais au cœur d’un scandale, jamais au cœur d’une rumeur d’un potentiel départ. Avec Thiago Silva et Marco Verratti, il est aujourd’hui le symbole de ce projet parisien crucifié par des déceptions printanières. Mais comme pour ses deux coéquipiers, le destin semble enfin avoir tourné. Thiago Silva s’en ira, Marqui se voit dès le début de la saison confié un nouveau rôle. Un second leader, le futur capitaine. Ce tifo lors du match contre Strasbourg en septembre 2019 est une sorte de confirmation. La reconnaissance pour celui qui est devenu à Paris un des meilleurs joueurs du monde. Maillot historique X future légende du club, le featuring est parfait. 

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Et cette saison enfin, il est l’élément clé d’une nouvelle force mentale parisienne. Face à Dortmund déjà (2-0), sa rage de vaincre après une prestation phénoménale en défense est communicative. La fête avec les supporters l’est tout autant. Paris vient de se libérer d’un poids invisible. Contre l’Atalanta (2-1) puis Leipzig (3-0), qui d’autre que lui pour guider son équipe vers l’histoire ? Un but égalisateur synonyme de délivrance qui en amène un deuxième. Une tête pour mettre son équipe sur de bons rails. Sa joie dans les vestiaires est celle d’un homme qui a ancré ce club en lui. Celle d’un homme qui, après des années d’échecs et de critiques, parvient à redonner crédibilité à ce projet. C’est celle d’un homme qui fera face au plus grand défi de sa carrière ce soir.

Marquinhos le dépanneur

Défenseur central de formation, il s’est imposé comme un des meilleurs à son poste. Il termine par exemple 28e du Ballon d’Or l’année dernière, symbole d’une progression constante. Toujours irréprochable sur le terrain et dans ses interventions, Marquinhos a l’habitude de se sacrifier sur les terrains. Son exubérance après un sauvetage contre Barcelone en 2014 ou après ce six mètres gratté contre Liverpool en sont des exemples parfaits. Il se donne corps et âme pour servir son club.

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Le natif de São Paulo n’a jamais rechigné à jouer latéral droit sous Laurent Blanc. Depuis deux saisons désormais, c’est un nouveau poste qu’essaye de s’approprier le Brésilien. Depuis la retraite de Thiago Motta en 2018, le PSG n’a toujours pas trouvé de réel remplaçant au poste de numéro six. Adrien Rabiot a été essayé mais malgré les qualités du bonhomme, maman a refusé. Thomas Tuchel, dépourvu de solution au poste, a donc décidé de faire monter le défenseur d’un cran sur le terrain. Si bien que depuis l’arrivée de l’Allemand en 2018, Marquinhos a disputé autant de matches devant que dans la défense.

Marquinhos en sentinelle, une solution viable ?

C’est un débat qui dure donc depuis bientôt deux ans. Si la réponse la plus plausible est que Paris a besoin d’un véritable six, Gueye n’ayant pas donné des garanties satisfaisantes, Marquinhos s’est imposé comme la seule solution de rechange. Qualité de passe, anticipation, lecture du jeu, récupération… Tout cela, il sait le faire et ce sont les critères recherchés à ce poste. Sur le papier, il y a de quoi être optimiste.

Le premier gros test de Marquinhos n’avait pas été concluant. Face à des Reds futurs champions d’Europe, Paris s’est fait manger par le pressing à Anfield (3-2). Marquinhos ne respire pas dans ce match et ses qualités techniques semblent trop justes pour jouer contre des équipes qui demandent à Paris de ressortir proprement le ballon avec un gros pressing. Brésilien certes, mais surtout défenseur.

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Cette saison à nouveau, quand Paris a été mis en difficulté, le milieu en est la cause principale. Face au Real Madrid en novembre (2-2) ou contre l’Atalanta (2-1), le PSG ne parvenait pas à peser dans ce secteur de jeu. Quand la balle arrivait sur Marquinhos, il était soit trop bas laissant ses partenaires du milieu esseulés, soit pressé et incapable de faire une différence grâce au dribble par exemple. Heureusement, sa qualité défensive lui permettait de rattraper le coup. Face à des équipes jouant haut, le numéro 5 ne se retrouve pas dans les meilleures dispositions.

Au contraire, lorsque Paris prend le contrôle du match, l’apport de Marquinhos n’est plus du tout le même. Lors du match aller contre Manchester United (2-0), son marquage tout le long du match sur Paul Pogba a été un pur régal. La Pioche avait été muselé jusqu’à son exclusion et son équipe s’était retrouvée orpheline de son meilleur créateur au match retour. Face à Leipzig, sa présence au milieu a permis aux Parisiens de contrôler le match et de mettre en place un pressing qui a étouffé les Allemands.

Cela s’explique aussi par le fait qu’il était accompagné au milieu par Leandro Paredes, plus technique qu’Idrissa Gueye, permettant au PSG d’être plus dangereux et d’évoluer plus haut sur le terrain. En redescendant d’un cran, Marquinhos faisait sortir le milieu. Une passe à Kimpembe ou Silva pouvaient ainsi créer ce décalage permettant de trouver Paredes ou Herrera entre les lignes. En restant au milieu, Marquinhos a tout le loisir de délivrer des longs ballons et d’orienter le jeu à sa guise. Il est également très précieux dans la récupération haute.

Marquinhos reste un défenseur de métier et semble toujours plus à l’aise à ce poste. Mais Tuchel l’affirmait en février, il le « préfère au milieu » où il a « une plus grande influence sur le terrain ». Un choix qui peut s’avérer payant donc, à condition qu’il soit entouré correctement. Avec des joueurs plus technique à ses côtés, il apporte une solidité défensive bienvenue au milieu de terrain parisien.

La clé du match contre le Bayern ?

Cette solidité défensive sera décisive face à Munich. Et même si Marquinhos ne sera pas à lui tout seul une clé comme peut l’être Neymar, le milieu parisien conditionnera sans aucun doute la performance de l’équipe. Face à la meilleure attaque de la compétition, Paris s’avance avec la meilleure défense. Cette saison avec Marquinhos en sentinelle, Paris a disputé 21 matches pour 18 victoires, deux nuls et une défaite (2-1 contre Rennes).

Le trio aligné sera décisif. Si l’attaque et la défense resteront inchangées, le milieu est encore incertain. Qui de Paredes, Verratti ou Herrera débutera devant le Brésilien ? Le milieu espagnol semble avoir une longueur d’avance. Son duo avec Paredes avait très bien fonctionné lors du dernier match et si Verratti est trop court physiquement, il pourrait être reconduit. Ce milieu capable de distribuer, de récupérer et aussi de garder le  ballon devra avoir la qualité technique requise pour exploiter les failles du Bayern.

Les Bavarois aiment jouer et, de ce fait, n’ont pas l’habitude de mettre en place un pressing comme l’a fait l’Atalanta. Contre Lyon, le FCB a même été plusieurs fois mis en danger. Le PSG aura donc des opportunités lors des phases de transitions, ou en récupérant haut le ballon pour lancer les trois fusées dans la profondeur. Aligner un milieu technique est primordial, et c’est là que l’apport défensif de Marquinhos sera décisif.

Les deux buts de Gnabry l’ont été sur des prises de vitesse de son côté vers le centre. Les deux fois, le milieu lyonnais était trop éloigné de sa défense. Gnabry avait ainsi la possibilité d’accélérer sans être dérangé. Avec un milieu positionné plus bas, cet écart défense-milieu serait moindre, empêchant ce type d’action de se reproduire. Dans une rencontre où le PSG devra contenir les assauts de l’attaque de feu du Bayern, le milieu parisien devra faire en sorte de conserver le ballon et ne pas le rendre trop vitre.

Quand Marquinhos est arrivé de son astéroïde B 612 sur la planète parisienne en 2013, on lui a dessiné une boîte avec à l’intérieur le trophée de la Ligue des champions. Sept ans plus tard, le joueur du PSG a trouvé comment l’ouvrir. Il est prêt à écrire en grand l’histoire de son club, 50 ans jour pour jour après le tout premier match du Paris Saint-Germain.

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