[Interview] Olivier Feliz : « Le métier d’agent est un métier difficile »

Agent de joueur, recruteur ou magicien, appelez-le comme vous le voulez. Chargé de recruter les binationaux non-repérés par la France, Olivier Feliz contribue chaque jour au succès grandissant de la Seleçao et du football portugais. Rencontre avec un homme passionné, qui a donné sa vie pour sa patrie et son football.

Salut Olivier ! Comment se passe votre saison en tant qu’agent et recruteur de la sélection nationale portugaise ?

Ça se passe très bien merci. On prépare le prochain mercato.

En tant que recruteur, vous avez commencé votre carrière avec Joao Luis Afonso, l’ancien directeur scouting du Fc Porto. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il vous a apporté dans votre formation et votre appréhension du métier ?

Joao Luis Afonso m’a apporté beaucoup par son professionnalisme et son sérieux dans ce métier, et par le fait de ne jamais abandonner. Il m’a ouvert les portes du FC Porto au niveau des jeunes. Je le remercie de m’avoir fait confiance.

En parlant de Joao Luis Afonso et du FC Porto, pouvez-vous nous donner votre vision du rapport historique qu’entretien le club portugais avec le recrutement et la formation ?

Joao Luis Afonso c’était l’homme de l’ombre à Porto. Pour moi aujourd’hui c’est le meilleur dans le monde, le numéro un en matière de scouting car il a été le cerveau du scouting au FC Porto. Tous ces cracks qui sont venus à Porto comme Herrera, James Rodriguez, Falcao, Hulk, etc… C’est grâce à Joao, le meilleur recruteur. C’était l’œil de Lynx à Porto!

Plus généralement, que pensez-vous du scouting au Portugal, que ce soit en Seleçao ou en club (celui de Benfica par exemple) ?

Alors tout d’abord le scouting au Portugal en club au niveau de la détection et le recrutement de jeunes talents prometteurs. Les clubs portugais font tourner leur réseau et leurs recruteurs à plein régime en Europe, en Afrique ou en Amérique latine. Ils ratissent très large sur le terrain pour avoir plus de chance de dénicher les meilleures pépites et les faire venir dans leurs clubs ou les prêter en club de Ligue 1 et Ligue 2 pour qu’ils s’adaptent très vite au football européen. Aujourd’hui le SL Benfica et le FC Porto sont des modèles en Europe et beaucoup de clubs européens suivent leurs méthodes de travail concernant le scouting.

Pour ce qui est du scouting en Seleçao, je dirais qu’aujourd’hui il n’y a pas de différences majeures entre le scouting en Seleçao et ce qui est fait dans les clubs professionnels portugais de Ligue 1. Et je souligne que c’est un outil de travail qui peut représenter une bonne opportunité dans le domaine du football. La Seleçao du Portugal a déjà un département scouting de très bonne qualité avec des personnes très compétentes et ce qu’elle recherche c’est d’attirer les meilleurs binationaux .

Vous êtes chargé du recrutement des jeunes (ou non) bi-nationaux, non repérés ou non sélectionnés en sélection nationale française. Pouvez-vous nous expliquer plus précisément votre travail au quotidien ?

Depuis cinq ans j’aide la Fédération Portugaise de Football, et je suis en charge en France d’aller recruter les meilleurs binationaux dans leurs clubs professionnels et centres de formation de Ligue 1 et Ligue 2 françaises, et de donner leur chance aux non repérés ou non sélectionnés en sélection nationale française, qui pourraient intégrer la Seleçao Portugal en U15 jusqu’à U19. C’est un travail énorme car il faut aussi rentrer en contact avec les familles pour la partie administrative, et faire le lien avec les dirigeants de la FPF. Evidemment, on laisse la priorité à la France d’abord. Il ne faut pas oublier que c’est quand même la France qui les a formés .

C’est un travail qui demande un suivi de très près sur les jeunes qui peuvent un jour intégrer la Seleçao. Ce qui est aussi très important dans ce milieu, c’est d’avoir les informations nécessaires et un très bon réseau. Il faut un minimum de connaissances dans ce milieu, sinon tu n’y arrives pas comme ça du jour au lendemain, en claquant des doigts. Il faut aller sur le terrain et prospecter, voir beaucoup de matchs, faire des rapports de matchs, être au courant dans quel club jouent les binationaux. Ca c’est très important dans le métier : beaucoup d’années de pratique. Dans ce métier, je fais à la fois de la prospection et du scouting sur le terrain. Ca me permet d’enrichir mes connaissances et de gagner de l’expérience dans ce métier. Je remercie Rui Caçador, (NDLR: ancien coordinateur des jeunes à la FPF), et Alexandre Silva (NDLR: team U17 à la FPF), et Edgar Borges (NDLR: patron des jeunes à la FPF) de m’avoir ouvert les portes à la FPF.

Vous qui êtes concerné chaque jour par ces jeunes talents, la Seleçao a-t-elle encore de belles années devant elle ? Y-a-t-il des joueurs qui vous font dire que la jeunesse sera la force du pays incessamment sous peu ?

Oui la Seleçao a encore de belles années devant elle car elle un noyau de très bons jeunes joueurs qui arrivent comme André Silva (NDLR: 21 ans, attaquant du FC Porto), José Gomes (NDLR: 18 ans, attaquant de Benfica), Diogo Dalot (NDLR: 18 ans, latéral droit du FC Porto), Domingos Quina (NDLR: 18 ans, milieu offensif de West Ham) et sans oublier notre Mickael Almeida (NDLR: 18 ans, attaquant de Lyon U19) que j’ai indiqué à Rui Caçador, le coordinateur de la seleçao U17 en mai 2015, et qui a été champion d’Europe avec le Portugal U17 en mai 2016.

En parlant de la Seleçao, quelle est la force actuelle qui a poussé cette équipe jusqu’au titre européen ?

Les points forts et la force de cette équipe ont été le coach Fernando Santos et son staff qui ont su apporter de la rigueur, du mental, un esprit de groupe et de la discipline, ce qui manquait à la Seleçao jusqu’à aujourd’hui. Fernando Santos a fait un gros travail car c’est un vrai leader qui sait se faire respecter.

Lors de votre carrière, vous avez découvert de nombreux joueurs qui n’ont pas été conservés ensuite par les clubs auxquels vous les aviez conseillés. Comment vit-on cette situation, lorsqu’ensuite un autre agent s’approprie la découverte et la signature d’un joueur ?

Je le vis bien. Pour votre information, j’ai été le premier à avoir détecté le potentiel de Myziane Maolida (NDLR: ex ACBB) et je l’ai envoyé rapidement en essai au FC Porto, qui ne l’a pas retenu. Néanmoins, il a signé après à Lyon et on l’annonce comme un futur grand du football français. J’ai été aussi le premier à découvrir Theo Epailly (NDLR: ex Sannois Saint Gratien) que j’ai envoyé au FC Porto en essai mais qui n’a pas été conservé. Aujourd’hui, il est au PSG U19. Mais après on ne va pas se taper la tête contre un mur car ce métier n’est pas facile. La vie continue, il faut savoir passer à autre chose. Je sais que l’avenir me réserve de bonnes surprises car je vois encore des jeunes footballeurs prometteurs en Ile de France par exemple.

D’après vous, un bon recruteur est-il un homme de l’ombre ou une personne qui essaie de se revendiquer de toutes les découvertes du monde ?

Très bonne question! Pour moi, un bon recruteur c’est celui qui travaille dans l’ombre sans faire de bruit.

Pour les lecteurs qui nous suivent, pourriez-vous nous décrire votre travail, vos méthodes, vos astuces… Tout ce qui fait votre travail quotidien en quelque sorte ?

Tout passe par le travail : je vais voir beaucoup de matchs, je suis aussi en relation avec les clubs professionnels français et portugais, etc… Je gère aussi quinze joueurs pro. Dans ce métier il n’y a pas d’astuces, on ne peut pas tricher, il faut avoir un mental d’acier car c’est un rythme de fou.

En tant qu’agent et alors que vous avez une belle carrière derrière vous, quelle est votre plus grande fierté ?

Ma plus grande fierté c’est d’emmener les jeunes au plus haut niveau professionnel, de leur apporter les vraies valeurs de la vie : le travail, le mental, ne jamais baisser les bras. Se battre dans la vie et les voir réussir.

Alors que vous avez travaillé en collaboration avec le Fc Porto, que pensez-vous de leur saison, que ce soit sur la scène nationale ou continentale ?

La première partie de saison a été très compliquée avec l’arrivée du nouveau coach en provenance du FC Valence, Nuno Espirito Santo. La mayonnaise avait du mal à prendre. Mais depuis décembre l’équipe va mieux, ils font une très bonne deuxième partie de saison avec Brahimi qui revient à son vrai niveau, et la petite coqueluche du club, l’attaquant André Silva (NDLR: 21 ans meilleur buteur de l’équipe avec 15 buts) qui pour moi va partir au prochain mercato d’été dans un très grand club européen.

Pour finir, le Portugal est donc l’une des plus grandes nations en termes de formation mais aussi de scouting. Pensez-vous que l’un peut fonctionner sans l’autre ?

Aujourd’hui non. Les deux fonctionnent ensemble dans le football moderne. Le football au Portugal depuis quinze bonnes années a évolué très vite au niveau de la formation et du scouting, avec des nouveaux outils de travail et de nouvelles méthodes de fonctionnement. Mais aussi avec une génération d’entraîneurs très jeunes qui ont été très bien formés au niveau du scouting .

Crédits photos : AFP PHOTO / PHILIPPE LOPEZ

+2

Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais