[Interview] Vitor Severino, adjoint de Rio Ave (1/2): « Nous portons trop d’importance aux résultats et non au projet de jeu »

Formé à l’université, sans aucun passé dans le football professionnel, doué en tactique, Vitor Severino représente à merveille cette nouvelle génération de coachs portugais. Jeune et talentueux, celui qui est adjoint à Rio Ave sera à n’en pas douter rapidement sous le feu des projecteurs. Rencontre avec un homme intelligent, qui sent et qui vit le football comme tous les Portugais aiment le faire.

Bonjour Vitor ! Tout d’abord, comment se passe votre saison du côté de Rio Ave, alors que vous êtes septièmes au classement ? Est-ce que l’Europe était un objectif en début de saison ?

La saison à Rio Ave se passe bien, en ce moment nous sommes septièmes. Mais avec le coach nous n’avons pas commencé la saison à Rio Ave, nous sommes venus au club à partir de la onzième journée. Le coach travaillait au FC Porto en tant que coach principal de l’équipe B. Il a remporté la seconde division nationale l’année dernière. De mon côté, j’ai travaillé aussi au FC Porto lors des trois dernières saisons, tout d’abord au sein de l’équipe B puis ensuite dans l’Academy (U14, U15, U19). Il m’a alors invité à le rejoindre à Rio Ave.

Nous avons commencé avec quatre victoires de suite et nous avons réussi à mettre l’équipe dans le Top huit du championnat. L’objectif quand nous avons signé était de finir dans les huit premiers de la ligue. Bien sûr, nous voulons être le mieux placé possible dans ces huit premières places. Ce serait mieux si nous pouvions être septièmes, encore mieux si nous pouvions être sixièmes, encore mieux cinquièmes… En ce moment nous sommes septièmes et nous sommes heureux de nous battre pour la sixième place. Elle sera certainement qualificative pour l’Europa League cette saison mais l’objectif est de terminer dans les huit. Nous sommes septièmes, encore en vie pour la sixième place. Je peux dire qu’il s’agit d’une saison positive pour nous.

Encore cette année, vous ne finissez pas si loin d’une qualification en Europa League. Quels sont les objectifs du club en terme d’Europe ?

C’est une saison particulière pour Rio Ave car lors des dernières saisons ils ne s’étaient jamais séparés d’un coach en milieu de saison. Cette année ils l’ont fait. Vous savez que lorsque vous changez d’entraîneur, les choses changent. Nous sommes arrivés à la onzième journée, le club était éliminé de l’Europa League. Nous étions aussi éliminés de la coupe nationale donc nous étions concentrés sur le championnat. Nous étions à trois points de la zone de relégation, mais aussi à trois points de la sixième place.

Quand nous disons que nous voulons finir dans les huit premiers, nous ne disons pas que nous voulons finir huitièmes. Nous disons que nous voulons figurer dans le groupe de tête. Après viennent les derniers matchs de la saison, et avec chance nous pouvons encore nous battre pour la cinquième place. Mais l’objectif du club était de finir dans les huit premiers en raison de tous les changements par lesquels il a dû passer.

Dans votre équipe, vous possédez de nombreux joueurs prêtés par Monaco comme Gil Dias ou encore Adama Traoré. Que pensez-vous de la formation des jeunes dans le club de la principauté ?

Nous avions aussi un troisième joueur, Chérif, qui nous a quittés il y a quelques mois, et qui joue maintenant au Cercle de Bruges en Belgique. Il évoluait aussi à Rio Ave mais il n’avait pas assez de temps de jeu chez nous. Gil Dias, je le connais très bien car il jouait déjà au Portugal l’année dernière en deuxième division. Adama Traoré, je le connais aussi depuis la coupe du Monde des U20, ou U21 je ne suis plus sûr. Ce que je pense de ces jeunes joueurs est qu’ils ont besoin de temps pour grandir, comme tout jeune a besoin de temps de jeu.

Dans le cas de Gil Dias je ne suis pas sûr mais je crois qu’il n’a jamais joué avec Monaco, ce qui est différent pour Adama Traoré qui a déjà quelques matchs en championnat comme en Ligue des Champions cette saison. Ce sont vraiment des joueurs différents. Ils sont différents dans la manière dont ils jouent, des caractéristiques, mais je pense une chose, et je pense la même chose pour d’autres joueurs de l’équipe : quand ils sont jeunes, ils ont besoin d’avoir de bonnes capacités en termes de dribbles, une bonne compréhension du jeu et une force mentale importante pour des compétitions comme le championnat ou les compétitions européennes. Quand on parle de ces trois dimensions, bien sûr qu’ils doivent progresser, on ne peut pas penser à un joueur ou l’évaluer en pensant juste à aujourd’hui. Nous devons voir ce que l’on peut faire pour un joueur, pour le futur, pour les années qui viennent. Ce que l’on peut faire pour eux est développer le manière de jouer lors des entraînements et leur donner le temps de jeu, les minutes dont ils ont besoin. Ils ont besoin d’une autre chose qui est très importante : faire des erreurs. Quand quelqu’un fait des erreurs, le coach est très important parce que les erreurs font parties du processus. Ils doivent saisir ces chances et doivent jouer pour se développer et devenir meilleurs.

A Rio Ave, la formation des jeunes joueurs est-elle aussi importante pour le futur ?

Oui, à Rio Ave la formation des jeunes joueurs est très importante pour le futur. Je crois que les joueurs de l’Academy ont commencé à devenir importants, à exister chaque année et le club a commencé à faire des efforts pour développer ces joueurs parce qu’ils sont le futur. Et maintenant nous avons des joueurs qui se sont développés selon la philosophie et la culture du club. C’est très bon pour le club. La partie difficile est l’écart entre les équipes de jeunes et le groupe professionnel. Au Portugal, nous avons d’abord l’équipe de jeunes, les U19, puis nous avons le groupe professionnel. Nous avons des joueurs de qualité qui sont prêts pour jouer dans le groupe professionnel donc nous devons leur donner du temps. Les équipes B que nous avons en deuxième division et que certains clubs de première division possèdent leur donnent du temps de jeu, des minutes, leur donnent l’opportunité de faire des erreurs et d’avoir la maturité dont ils ont besoin pour évoluer en première division. Bien sûr, quand ils arrivent en équipe première, ils font encore encore des erreurs, mais ils ont besoin de temps. Si ils n’ont pas ce temps, parfois vous aurez une mauvaise évolution du joueur. Nous devons penser à cela. Avoir ces joueurs de qualités est une étape importante dans le succès du club.

Porté par une équipe de jeunes qui semble sans limite, le club n’est pas loin d’un exploit en Ligue des Champions. Est-ce que c’est l’année de Monaco ?

Monaco est un club excellent avec un groupe excellent. Je regarde chacun de leurs matchs dès que je le peux, cela fait partie de mon métier, d’apprendre, de regarder des matchs de haut niveau. Oui, je suis d’accord avec vous pour dire que ça peut être l’année de Monaco, mais parce que Leonardo Jardim n’est pas arrivé cette année au club, et on lui a donné du temps pour mettre en place sa philosophie de jeu. Peut-être que si nous avions parlé de cela l’année dernière, certaines personnes auraient été sceptiques quant à son travail parce que les résultats n’étaient pas totalement présents. C’est une erreur que l’on fait parfois dans le football quand on évalue un club, un joueur ou un coach car nous portons trop d’importance aux résultats et non tant au processus, au projet. Et bien sûr quand un coach va dans un club, il n’est pas seulement un coach qui va dans un club, il vient avec des méthodes. Comme je disais pour les jeunes, la philosophie et les méthodes d’entraînement ont besoin de temps pour se développer. En six mois, quand vous avez trois, quatre, cinq, six nouveaux joueurs, tout change et personne ne s’intéresse à ça. La seule chose que les gens vont regarder sont les résultats. Et si vous n’avez pas ces résultats, les gens diront que vous n’êtes pas bon. Cela n’est pas vrai à 100%. Je connais les qualités du coach, le travail qu’il a fait au Portugal et dans d’autres pays. Je le connais depuis le début. Il a le succès que tout le monde savait qu’il aurait, car il a des bons joueurs, une bonne vision et compréhension du jeu, l’équipe joue bien. Vous pouvez voir que les jeunes joueurs vont progresser et sont déjà en train de progresser. Donc oui, c’est l’année de Monaco. Même si ils ne remportent aucun trophée, on peut évaluer le club de cette manière.

Cette merveilleuse équipe est dirigée par Leonardo Jardim. Vous semblez bien le connaître et l’apprécier ?

Leonardo Jardim a commencé dans des clubs moyens au Portugal. En fait, il a même commencé dans des petits clubs au Portugal. Il a réussi à aller dans l’un des trois grands clubs au Portugal, le Sporting Lisbonne. Il n’a pas gagné le titre mais son équipe produisait un beau jeu, avec de la qualité. Je peux parler de ça parce que je suis un coach. Je n’aime pas regarder les autres personnes par rapport aux résultats, mais j’aime voir la qualité d’une équipe. Le Borussia Dortmund, par exemple, qui a joué il y a peu contre Monaco. Vous pouvez dire que c’est une mauvaise équipe parce qu’ils n’ont pas de résultats. Mais si l’on considère le jeu, la stratégie ou la compréhension du jeu, c’est l’une des équipes que j’aime le plus regarder. Ils font partie des quatre ou cinq équipes dont je regarde chaque match en raison de leur style et la façon dont ils jouent. Leonardo Jardim est un grand entraîneur et pour moi ce n’est pas une surprise. Je regarde son équipe jouer depuis le début du projet et c’est très bien. C’est juste une chose normale, et pour lui ce sera de mieux en mieux.

Jose Mourinho, Fernando Santos, Marco Silva et même Sergio Conceicao en France… Y-a-t-il un type de coach au Portugal ?

Oui, c’est vrai, nous avons tous ces noms dans le football portugais et dans le top niveau. Dans les championnats du monde entier il y en a bien d’autres et vous verrez cela dans le futur. Beaucoup d’autres noms vont apparaître parce que le football portugais est un lieu dans lequel vous trouvez de nombreux coachs de qualité. Je ne peux pas dire qu’il y ait un type de coach. Ces noms que vous avez évoqués sont tous différents mais ils ont une chose en commun: la compréhension du jeu, et la transposition du modèle de jeu en méthodes d’entraînement, là est la clé. Et je crois que si vous me demandez quelle est la caractéristique principale du coach portugais, je dirais l’habilité à développer le jeu et le transformer en méthode, transformer les idées en exercices.

Je dirais aussi que c’est la façon dont ils organisent cela durant la semaine. J’ai la chance d’être partout dans le monde dans des conférences, dans des stages de travail avec d’autres coachs, assister à des sessions d’entraînement, regarder des matchs de haut niveau. Parfois on compare les philosophies et on ne peut pas dire qu’un coach portugais est meilleur qu’un autre car chaque entraîneur est différent, parce qu’ils travaillent avec des styles différents. Ce qui est très important car un coach portugais peut donc travailler dans tous les pays du monde. La chose principale pour moi est la manière dont ils transfèrent les idées et les principes de jeu en processus d’entraînement.

Interview Vitor Severino (2/2): « Le plus important dans un staff est la confiance »

+1

Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais