Réputé pour son centre formation, Lyon ne lance plus ses jeunes espoirs qui, à l’image d’Amine Gouiri, sont contraints de partir pour poursuivre leurs carrières. Un changement de politique en contradiction avec l’identité de l’OL.

Sale époque pour les joueurs du centre de formation à Lyon. Amine Gouiri – l’un des lyonnais les plus prometteurs – se dirige vers l’OGC Nice, pour moins de 8 millions d’euros. Un choix que le directeur sportif, Juninho, dit pouvoir « comprendre » dans les colonnes du Progrès ce dimanche : « Parfois, tu as la sensation que tu vas laisser partir un jeune qui pouvait t’apporter, mais c’est peut-être le moment aussi. »

Il y a trois ans, l’attaquant (20 ans) était érigé comme le futur numéro 9 du club rhodanien. Freiné par une rupture du ligament croisé du genou gauche au début de la saison 2018-2019, Gouiri n’a finalement jamais eu sa chance. Cette année, il a dû se contenter d’une titularisation en Coupe de la Ligue, de 15 minutes en Coupe de France et d’une très maigre minute en championnat face à Metz. Pourtant, ses performances avec la réserve du club étaient plus que convaincantes ces derniers mois. Mais entretemps, Lyon a recruté Karl Toko Ekambi (15M€) et Tino Kadewere (12M€). Des présences qui s’ajoutaient à celles de Maxwell Cornet et Bertrand Traoré, jamais décisifs, mais indéboulonnables.

À LIRE AUSSI – Comment la relation entre l’OL et ses supporters s’est-elle détériorée au fil des années ?

Mi-juin, Pierre Kalulu, jeune latéral droit issu du centre de formation, a signé son premier contrat professionnel à l’AC Milan. Une décision qui s’explique par la densité de joueurs (Tete, Rafael et Dubois) à son poste. Trois joueurs qui n’ont jamais impressionné sur le long terme. Ces deux situations illustrent le changement de politique du club par rapport à ses jeunes : l’OL se revendique comme un club formateur, mais n’ose plus lancer ses jeunes. Pire : Lyon ne compte plus sur eux.

Ces derniers ont pourtant longtemps fait la force du club rhodanien, notamment lors de la première partie de la décennie, lorsque le club était en proie à des difficultés financières. Rémi Garde a ainsi lancé Nabil Fékir et Jordan Ferri, tout en s’appuyant sur Clément Grenier ou Alexandre Lacazette. L’OL avait l’habitude de construire son XI autour de joueurs formés au club, en complétant par quelques joueurs extérieurs. Mais les temps ont changé. L’arrivée de Bruno Génésio aux commandes de l’équipe première a marqué un tournant.

Vague de signaux négatifs

Lors de son exercice, Génésio a régulièrement été la cible de critiques concernant le niveau de jeu, sa communication mais aussi sa frilosité vis-à-vis des jeunes. Lors de son mandat, seul Houssem Aouar – le plus gros espoir de sa génération – s’est révélé. Le milieu lyonnais était pourtant proche d’un départ à l’été 2017, juste avant son explosion. Mouctar Diakhaby, aujourd’hui à Valence, a aussi bénéficié d’un temps de jeu conséquent (2016-2018). Mais le changement de politique du club ne se limite pas au choix d’un entraîneur.

Avec la construction de son propre stade, la situation financière de l’Olympique Lyonnais s’est améliorée. La cellule de recrutement, anciennement dirigée par Florian Maurice, a redéfini sa stratégie vis-à-vis de ses jeunes. Elle a multiplié les achats de jeunes en formation ou post-formation : Deyonge, Pintor, Solet, Griffiths, Kemen…

À LIRE AUSSI – Trading : le jeu dangereux du football français

Tous ces joueurs n’ont, pour l’instant, pas apporté de plus-value au club. Surtout, ces transferts envoient des signaux négatifs aux jeunes du centre de formation. Ces derniers voient leurs perspectives d’avenir dans leur club formateur s’amoindrir. Certes, tout le travail de la cellule de recrutement n’est pas à jeter. Ferland Mendy et Tanguy Ndombélé ont fait le bonheur du club et des supporters. Il en sera probablement de même pour Jeff Reine-Adélaïde ou Bruno Guimarães.

Garcia et le court-termisme

Cette frilosité a atteint son paroxysme avec Rudi Garcia. Depuis son arrivée, l’entraîneur a certes donné sa chance à Rayan Cherki à quelques reprises. Mais cette inclusion de l’espoir lyonnais ressemble davantage à un coup de communication pour se mettre une partie du public dans la poche. Car si Cherki (16 ans) a eu sa chance, la donne est différente pour les autres jeunes. Trois jours après un match de Ligue des champions à Saint-Pétersbourg (2-0), où Rudi Garcia avait aligné un double pivot Denayer-Tousart, Maxence Caqueret fut titularisé à Strasbourg (1-2). Force est de constater que la titularisation de Caqueret (20 ans) était plus une contrainte qu’un choix.

Le reste de la saison, Lucas Tousart (23 ans), dont le départ au  Hertha Berlin était acté depuis fin janvier, a été préféré au jeune lyonnais, sans pour autant être plus performant. Melvin Bard, latéral gauche de formation, est bloqué par Koné et Marçal, deux joueurs dont les performances n’ont jamais rassuré. Scénario similaire au côté droit évoqué plus haut. En attaque, les jeunes comme Gouiri et Cherki se sont retrouvés freinés par une quantité de joueurs. Et lorsqu’il faut coucher 11 noms sur la feuille de match, Rudi Garcia a toujours une préférence pour les joueurs expérimentés

Ces choix s’expliquent par une vision court-termiste. Le contrat de Rudi Garcia expire en juin 2021, et nul doute que l’ancien coach marseillais souhaite sauver sa peau. Il est donc dans une logique de résultats sur le court terme. Et il ne compte pas s’appuyer sur les jeunes pour y arriver. Preuve en est, Gouiri et Kalulu s’en vont déjà, et les noms évoqués pour le mercato (Sakho, Matuidi) ont une odeur de réchauffé. Une situation qui s’était déjà produite lors de l’arrivée de Kevin Strootman à Marseille. Les deux clubs sont différents, mais l’entraîneur est le même. Toujours est-il que juin 2021 pourrait être l’occasion de débuter un nouveau cycle pour l’Olympique Lyonnais, en renouvelant le staff, en vendant des joueurs présents depuis trop longtemps… Mais avec les départs de ses jeunes, sur lequel le club aurait pu construire un nouveau cycle, la direction de Lyon envoie des signaux contraires.

Des pépites, mais pas des stars

Malgré tout, l’Olympique Lyonnais s’est rarement trompé sur les transferts de ses jeunes ces dernières années. Les départs ayant fait polémique sont depuis oubliés. Myziane Maolida cire aujourd’hui le banc de Nice. Jordy Gaspar – qui avait signé son premier contrat professionnel avec Monaco – vient de rejoindre Grenoble. Enfin, Willem Geubbels – transféré à Monaco en 2018 – a vu sa progression ralentie par des blessures. Il ne compte aujourd’hui que huit petites minutes en Ligue 1. De plus, les pourcentages de revente négociés par la direction lyonnaise sont souvent intéressants.

À l’inverse, Lyon a su garder ses plus grosses pépites, à l’image d’Aouar, Caqueret et Cherki. Mais ces exemples ne donnent pas raison au club pour autant. La problématique reste la même : Lyon n’a pas donné une (vraie) chance à ses jeunes. Et nul ne sait ce que ces joueurs seraient devenus à Lyon. Débuter une carrière au sein de son club formateur est un idéal que n’offre plus l’Olympique Lyonnais. Le club a opté pour une nouvelle politique sportive. Aux contours très flous.

Crédit photo : Icon Sport

+1