Équipe de France et beau jeu, ravivons la flamme

Aujourd’hui est une journée bien particulière. Ce soir, c’est match des Bleus. Seulement, sélectionneur est un dur métier, tant de prétendants et si peu de billets pour l’avion Équipe de France. Alors quand il est enfin décidé, plus rien ne peut le faire changer d’avis. À part peut-être de très bons arguments à l’encontre de sa décision. Mais c’est tout.

Malheureusement, ces derniers temps, notre chère sélection est un peu bancale. Pas de panique, on a la solution pour vous. Les matches vous chagrinent ? Vous déprimez devant les Bleus ? Karting. C’est bien le karting quand on est triste. Oh, le confinement rétorquerez-vous. Bon, dans ce cas, Ultimo Diez enfile son costume de coach du dimanche et vous propose la sélection la plus « beau jeu » possible.

Avant de commencer, on précise qu’ici chaque joueur est sélectionnable. Nous ne sommes pas non plus dans le cadre d’une compétition majeure à jouer mais plutôt un projet à moyen voire long terme où notre but est de créer une vraie identité. Dans cette mesure, proposer une liste stricte de 23 joueurs n’aurait pas grand intérêt. Cet article sera davantage un panel (non exhaustif) de profils qui pourraient nous intéresser. Le but n’est bien sûr pas de dire que cette façon de jouer est meilleure qu’une autre ni même affirmer qu’elle serait efficace. On cherche juste à imaginer une animation poussant le curseur spectaculaire au max.

Principes de jeu

S’il y a eu du mieux face au Portugal, avec DD, le fond de jeu français n’est pas le plus ambitieux. L’ex-olympien refuse le risque et favorise un bloc bas, davantage dans l’attente d’une erreur adverse plutôt que forcer la perte de balle. On ne sort pas sur le porteur et à la récupération, les Français dépendent essentiellement de la qualité de la transition offensive. Car sur attaque placée, c’est prise de risque minimum, peu de mouvement et pas de dépassement de fonction afin d’annihiler toute contre-attaque potentielle.

Face aux Croates, les Bleus sont assez bas et seuls 4 joueurs ont une position moyenne devant la ligne médiane. La France s’impose 2-1. (via Sofascore)

Les Croates ont eux 6 joueurs au-delà du milieu de terrain, notamment les deux latéraux. L’EDF joue un bloc bas et autorise la Croatie à avancer. (via Sofascore)

Coach U10 préfère instaurer une pression constante sur ses opposants. Le contre-pressing se veut donc très agressif pour forcer l’adversaire à perdre le ballon. On cherchera à densifier l’intérieur afin de pousser au maximum l’équipe en face sur les côtés. Cela a deux effets. D’abord, on protège l’axe du terrain qui est la zone la plus dangereuse, la plus proche de nos buts. D’autre part, en excentrant l’opposant, on l’empêche d’avancer et il doit dégager ou jouer en retrait. Ainsi, on maximise nos chances de récupérer la balle tout en évitant le duel. On cherche en priorité à défendre en avançant.

Mais ce pressing total est risqué car si l’adversaire parvient à effacer cette ligne agressive il profite de larges espaces derrière. L’animation offensive est donc garante de la qualité du contre-pressing. Les latéraux doivent apporter en densifiant l’axe ou en permettant aux ailiers de rentrer à l’intérieur. De même, un gros travail de permutation s’impose. Si un milieu monte pour presser, les attaquants doivent compenser et couper les premières lignes de passe dans l’axe.

Avec le ballon, on compte sur nos centraux qui sont les premiers relanceurs et doivent participer au jeu. Ce sont aussi à eux de couvrir la montée des latéraux. On cherche à attaquer l’espace rapidement et en nombre. Cette volonté d’être vertical se traduit par une prise de risque poussée et encouragée. Celle-ci se manifeste autant par des provocations balle au pied, notamment des ailiers, que des lignes de passe vers l’avant dans les intervalles. L’idée est d’instaurer une possession de qualité, ambitieuse et qui optimise le contre-pressing avec des permutations et une forte présence haut dans l’axe. Pour la formation, le 4-3-3 avec une pointe basse est tout indiqué pour occuper l’intérieur et être le plus flexible possible.

Défense rime avec relance

Référence en Ligue 1, Mike Maignan est un gardien serein et assez ambitieux dans ses relances. Dans notre équipe qui cherche à faire vivre le ballon, son bon jeu au pied n’est pas de refus. Accoutumé des sorties à risque, il peut dans une certaine mesure couvrir les centraux et notre bloc haut.

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Pour la charnière, impossible de rater Aymeric Laporte. Le Citizen serait notre premier relanceur privilégié, aussi à l’aise sur du jeu court que long. En 2018/2019 c’est le joueur réussissant le plus de passes en moyenne par match en Premier League. Mais il ne se contente pas de jouer en retrait ou latéralement puisqu’il est classé quatrième en terme de passes vers l’avant et second lorsqu’il s’agit des passes dans le dernier tiers. Défensivement, sa lecture du jeu et sa connaissance du système Guardiola en font un rouage essentiel pour défendre haut.

Cédons à la hype Jules Koundé, lui aussi relanceur plus qu’habile. Le joueur de Séville est aussi propre au duel que dans son utilisation de la balle. Toujours en Espagne, Raphaël Varane n’est pas étranger au mauvais début de saison du Real. Néanmoins, on compte sur lui pour redevenir ce central sans égal ou presque dans la couverture des grands espaces. Une qualité forte utile dans notre système qui met les centraux sous haute menace et libère des boulevards si notre pressing est effacé.

Sur la forme du moment, Presnel Kimpembe se place très bien. Agressif et solide, le maestro demeure une garantie dans les duels. Cette saison, il réussit à tacler 75 % des joueurs qui tentent un dribble sur lui en Ligue 1. Les sélections jeunes sont aussi très bien garnies à ce poste. Dayot Upamecano est un connaisseur du logiciel Nagelsmann dans cette Bundesliga qui favorise l’exploitation totale des espaces. Pas maladroit avec ses pieds, Wesley Fofana est aussi capable de défendre en avançant. Avec 3 interceptions par rencontre, personne ne fait mieux en Premier League.

Les latéraux, premier couteau offensif

Chez nous, les latéraux ne seront pas là pour tartiner des baguettes de pain grillé. On veut qu’ils exploitent au maximum leur couloir et proposent offensivement. Theo Hernández apporte cette verticalité et une volonté constante de se projeter vers l’avant. Avec 6 buts en Serie A l’an passé, il a un vrai poids dans la surface. De même, il affichait 3 assists mais un indicateur un peu supérieur de 4,76 xA faisant de lui un joueur ultra décisif.

Comme la plupart des latéraux modernes, Theo joue extrêmement haut. On remarque toutefois son attrait pour participer à la finition dans la surface. (heatmap en championnat 2019/2020 via Sofascore)

Bien sûr, Ferland Mendy a sa place dans l’équipe. Il a un gros volume de course et brille souvent au duel. Balle au pied, son rapport puissance/vitesse en font un dribleur efficace et une arme destructrice pour déborder. À l’aise des deux pieds, il est spécialiste des centres au cordeau et n’a pas peur de rentrer à l’intérieur pour apporter le surnombre dans l’axe.

Côté droit, on part sur un duo made in Bundesliga. Ce bon vieux Benjamin Pavard n’est pas aussi créatif que les deux gauchers cités plus haut mais avec de l’espace, ses centres sont plutôt bons. Avec lui, Nordi Mukiele apporte sa polyvalence. Il peut jouer piston dans un dispositif à trois centraux qui pousserait encore notre envie de pressing étouffant. Nous aurions un axe dense et deux hommes de côtés qui iraient cadrer directement les latéraux adverses. Une équipe presque kamikaze façon Gasperini.

Entrejeu, polyvalence et projection

Au milieu, Eduardo Camavinga s’est dévoilé en sentinelle puis dans un double-pivot l’an passé. Cela mettait en avant sa qualité défensive. C’est le joueur qui a tenté le plus de tacles en championnat avec 98 unités. Mais ces positions peuvent brider son potentiel offensif. Un cran plus haut, il brille désormais en relayeur. Il a par exemple toujours la même réussite au dribble, mais en tente davantage : 0,8 élimination réussie par match à 68% de réussite l’an dernier contre 1,4 chaque rencontre avec 65% de succès cette saison.

Pas dans la forme de sa vie, Paul Pogba est malgré tout une rampe de lancement top niveau. La Pioche propose une variation jeu court/long intéressante avec ses fameuses ouvertures. Une alternative bienvenue dans cette recherche de la verticalité, particulièrement avec nos fusées sur les ailes. C’est aussi la possibilité d’un schéma de relance différent. Paulo peut décrocher entre les deux centraux pour orchestrer le jeu de plus bas. L’infatigable Ngolo Kanté soutiendra notre pressing prononcé et n’est pas non plus mal à l’aise pour jouer vers l’avant.

Adrien Rabiot est aussi habile dans les petits espaces que les plus grands et, un peu comme les autres, peut potentiellement jouer sentinelle. Dans le même délire, Coco Tolisso a une grosse qualité de projection vers l’avant et le coffre pour pousser lors du contre-pressing. L’avantage de tous ces joueurs pouvant évoluer en pointe basse ou en 8 est la possibilité de permuter pendant le match et compenser lorsqu’un coéquipier monte. Un bon point dans notre quête de flexibilité tactique. Ces profils polyvalents nous contraignent moins que des joueurs plus unidimensionnels.

Contre Cristiano et ses copains, Rabiot (14) livre une superbe perf. Il occupe le demi-espace gauche et permet à Lucas (21) de prendre le couloir quasiment en position d’ailier. (via Sofascore)

En Europe, il y a peu d’équivalent à Tanguy Ndombele lorsqu’il s’agit de se sortir du pressing adverse. Avec 53 minutes par match, il réussit en moyenne 1,5 dribble en convertissant 75 % de ses tentatives, faisant de lui le meilleur de son équipe dans cet exercice. Tant qu’on parle de technique, son ex-coéquipier Houssem Aouar n’est pas en reste. Le Lyonnais aime jouer vers l’avant. Il bonifie la possession et peut aussi dézoner sur le côté pour combiner ou laisser rentrer un ailier dans l’axe.

Chez les jeunes à surveiller, deux profils intéressants. Auteur d’un super Final 8, Maxence Caqueret, est un impressionnant travailleur. Agressif sur le porteur, il presse sans arrêt et sait jouer vers l’avant en première intention. Retournons encore à Leipzig pour nous pencher sur le cas Christopher Nkunku. Le Frenchie a tout du playmaker parfait, aussi à l’aise dans l’axe qu’excentré où il fait parler sa fine papatte à coup de centres. L’an dernier, il cumule 13 caviars et cette saison, il est sur le podium des joueurs réussissant le plus de passes clés en Bundesliga avec 2,9 chaque rencontre.

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Comment se priver del nueve Karim Benzema pour notre attaque ? Le mélomane jouera la partition qu’il connaît par cœur avec dézonnage et participation aigu au jeu. Son profil permet de palier à l’absence d’un numéro 10 revendiqué. En décrochant, KB9 attire un central et libère de l’espace dans son dos. Espace dans lequel pourra s’engouffrer Kylian Mbappé. Sa vitesse et ses prises de risque dans la provocation soutiennent l’agressivité désirée. Le Parisien a besoin de champ, l’associer à Benzema sert donc forcément son jeu.

Pour compléter ce trident, choisissons Antoine Griezmann. Le rôle du Barcelonais serait essentiel en tant que premier presseur. Façon Atletico, il couperait les lignes de passe pour pousser l’adversaire sur les ailes mais compenserait aussi si un milieu monte. Sur la feuille, Mbappé commencerait à gauche, Benz’ dans l’axe et Grizou à droite mais en réalité les trois hommes peuvent permuter aisément. On imagine une belle relation technique avec les deux joueurs de Liga entre les lignes.

En parlant de permutation, le duo de Gladbach Thuram-Pléa est à prendre au sérieux. Marcus a l’habitude de démarrer faux ailier mais lui et Alassane seraient comme poulains dans un pré avec cette attaque très mobile. Les dévoreurs d’espaces de Marco Rose font d’ailleurs une petite crise de boulimie en Ligue des champions, cumulant déjà 5 buts et 4 passes décisives en trois journées. Nouvelle arme pour notre arsenal offensif : les 1m92 du grand frère de Khéphren. Il gagne 58 % de ses duels aériens en Bundesliga cette saison, soit 2,6 par match.

Passons au cas Anthony Martial. Vrai poison pour les défenses lorsqu’il s’agit d’exploiter la profondeur, ses occasions manquées face au Portugal ont été remarquées. Mais alors, Martou est-il vraiment un si mauvais finisseur ? En réalité, depuis qu’il est à Manchester il marque chaque saison plus de buts que son indicateur d’expected goals cumulés. Pourtant, il reste sur 22 tirs consécutifs sans but chez les Bleus et vit un début de saison galère. Toto est assurément une solution viable en 9, a minima par sa faculté à créer des occasions. Son efficacité est peut-être plus cyclique mais lorsqu’il s’y met, le Red Devil est un serial killer.

En championnat, Anthony Martial marque chaque saison plus de but qu’il ne « devrait » selon son indicateur d’xG. L’efficacité du Mancunien a surtout l’air de fonctionner par phase et lorsqu’il est en confiance, il score beaucoup.

Sur l’aile, Kingsley Coman est un dynamiteur capable de déséquilibrer un bloc par des différences individuelles. L’an passé, il réussit 60% de ses dribbles en championnat. Sur attaque placée, il étire la défense adverse car le latéral ne peut pas lui laisser de champ. Il crée alors des décalages et libère les half-spaces pour nos intérieurs. Dans cette optique d’attaquer l’axe qui est notre zone préférentielle, la position du Bavarois le long de la ligne n’est pas contre-intuitive. Au contraire, il dégage justement cet axe qu’on veut attaquer. Notre latéral doit alors plutôt rentrer à l’intérieur, l’idée étant d’éviter que les deux soient sur la même ligne.

Coman peut évoluer des deux côtés et ne fréquente que peu l’axe du terrain, préférant exploiter au maximum les ailes. (heatmap en Bundesliga 2019/2020 via Sofascore)

Si votre petit chouchou n’apparaît pas dans cette liste, ne soyez pas fou de rage. Au-delà des joueurs cités, c’est surtout l’animation recherchée qui est intéressante. Les Ben Yedder, Dembélé, Diaby, Digne, Lucas, Lacazette, Kamara, Konaté, Aguilar et bien d’autres encore auraient mérité quelques mots. Bon, si vraiment vous êtes trop dégoûté, on connait un docteur pas mauvais qui propose de superbes doubles-consultations. Ce qui est déjà mieux qu’un mauvais double-pivot.

Crédit Photo : Icon Sport

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